Laurent Cunin-Gridaine, manufacturier sedanais et ministre de Louis-Philippe

Laurent Cunin-Gridaine (Archives départementales de la Marne).

Laurent Cunin naît à Sedan le 10 juillet 1778 dans une famille modeste puisque son père est simple commis dans une manufacture de draps. Étant devenu très tôt orphelin, il est recueilli par un de ses oncles. Il a la chance de pouvoir fréquenter une petite école, nous dirions aujourd’hui une école primaire, tenue par les frères des Écoles chrétiennes. A 13 ans, il entre en apprentissage chez un tanneur puis, quelques années plus tard, il entre dans la manufacture de draps d’Étienne Gridaine. Ce dernier, constatant les compétences de Laurent Cunin, fait de lui son associé avant d’en faire son gendre en 1803. Désormais Laurent Cunin va ajouter à son nom le patronyme de Gredaine. Beau-père et gendre font de leur manufacture l'une des plus importantes de Sedan et l’une des premières à installer une machine à vapeur.

En 1820, Étienne Gredaine s’étant retiré des affaires, Laurent Cunin-Gridaine s’associe avec son beau-frère et donne une impulsion supplémentaire à l’entreprise qui devient alors la plus considérable de Sedan et l’une des plus importantes de France. A son apogée, la fabrique de draps Cunin-Gridaine emploie 1200 ouvriers tant à Sedan que dans les villages environnants.

Laurent Cunin-Gridaine mène en parallèle une carrière politique de haut niveau. Il est élu député des Ardennes en 1827, mandat qu’il conserve jusqu’en 1848. libéral convaincu, il soutient sans réserves Louis-Philippe lorsque ce dernier monte sur le trône en 1830. En 1840, il est nommé ministre du Commerce et de l’Agriculture, poste qu’il conserve jusqu’à la Révolution de 1848.

Conseil des ministres tenu au palais des Tuileries le 15 août 1842. A gauche, assis, le roi Louis-Philippe ; face à lui, le maréchal Soult, alors chef du gouvernement ; Laurent Cunin-Gridaine se trouve tout à droite (château de Versailles).

La chute de Louis-Philippe en février 1848 met fin à sa carrière politique et l’oblige à s’exiler quelque temps en Belgique. Revenu à Sedan il ne se consacre plus qu’à sa manufacture de draps, en association avec son fils Charles, jusqu’à sa mort en 1859. Mais l’entreprise ne connaît plus le succès d’antan. Charles Cunin-Gridaine suivra, lui aussi, une carrière politique comme député, puis sénateur, des Ardennes. Mais à sa mort, le 24 février 1880, n’ayant pas de successeur, l’entreprise Cunin-Gridaine disparaît.

Charles Cunin-Gridaine, sénateur des Ardennes (gravure accompagnant sa notice nécrologique parue dans L'Illustration du 13 mars 1880).

Après 1880 l'ancienne usine textile Cunin-Gridaine est transformée en logements, état actuel (coll.part).

Laurent Cunin-Gridaine est un bel exemple d’ascension sociale liée à la Révolution industrielle. D’origine sociale modeste, il laisse à sa mort une fortune considérable. Ses deux filles ont fait de beaux mariages. Cela explique peut-être son évolution politique puisque, au centre-gauche dans sa jeunesse, il devient au fil du temps de plus en plus conservateur.

Laurent Cunin-Gridaine, buste-charge en terre cuite réalisé par Honoré Daumier. Il fait partie de la quarantaine de bustes réalisés entre 1832 et 1835 et regroupés sous le titre des "célébrités du juste milieu". Cette expression allusion au régime de la Monarchie de Juillet qui entend se démarquer à la fois des légitimistes, partisans d'un retour à l'Ancien régime et des Républicain, que Daumier soutient et dont les idées démocratiques et sociales inquiète la bourgeoisie principal pilier du régime (Musée d'Orsay).

Cependant Laurent Cunin-Gridaine n’oublie pas totalement ses origines puisqu’il garde des amitiés auprès des vieux ouvriers qui l’ont connu à ses débuts et qu’il ouvre une école du soir pour la main d’œuvre de son usine. De même il est le premier homme politique à faire passer en 1841 une loi sur le travail des enfants visant à diminuer leurs heures de travail.

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