Accéder au contenu principal

Les débuts de la papauté



Dès le départ, l’évêque de Rome occupe une place à part dans la chrétienté. 

Rome est en effet la capitale de l’empire romain mais, surtout, le lieu du martyre des saints apôtres Pierre et Paul. Pierre venu à Rome au milieu du 1er siècle y a été martyrisé au temps de Néron, probablement vers 69. De même, Paul y a été condamné à mort et exécuté entre 58 et 68. Autour de la tombe de Pierre et, dans une moindre mesure de celle de Paul, se développe un culte, d’abord clandestin puis au grand jour quand l’empereur Constantin fait du christianisme la religion officielle de l’empire romain. 

Constantin donne à l'évêque de Rome le domaine du Latran qui se situe à l'époque hors des murailles de la ville. L'empereur y fait bâtir la Basilique Saint-Jean-de-Latran pour servir de cathédrale à l'évêque et un palais adjacent pour sa résidence (ce n’est qu’à la fin du Moyen-Age que le pape s’installe définitivement au Vatican). Pour abriter les reliques des deux martyrs, l’empereur fait aussi construire deux autres basiliques, Saint-Pierre-au-Vatican et Saint-Paul-hors-les Murs.

 

 

Fresque de la nécropole papale de l'actuelle basilique Saint-Pierre reproduisant l'ancienne basilique constantinienne. 


Statue en bronze de Saint-Pierre réalisée vers 1300, basilique Saint-Pierre (coll.part).


Si la coutume fait de Saint-Pierre le premier pape, il s'agit quelque part d'un raccourci historique.

En effet, il n’a pas pu porter le titre de pape qui n’apparaît qu’au IIIe siècle. Le mot, qui vient du grec pappas (en latin, papa), désigne le "père" de la communauté. Au départ, le titre est attribué à tous les évêques et ce n’est que progressivement qu’il va être réservé à celui de Rome. Cela dit, Saint Pierre, est sans conteste le premier pasteur de l’Église, celui que Jésus a choisi, comme le dit l’évangile de Saint Matthieu : « Tu es Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon Église». Dès le départ, sa primauté est évidente.

Pour autant cela ne signifie pas que lévêque de Rome ait été considéré immédiatement comme le chef de toute l’Église. La réalité historique est plus complexe. Au début du christianisme, de multiples communautés chrétiennes coexistent de manière autonome, chacune ayant sa tête un évêque. En théorie, il n’y a pas de hiérarchie entre les différents évêques mais progressivement celui de Rome va devenir le primus inter pares, le premier entre des égaux, et en tant que successeur de Saint Pierre occuper une place croissante. C’est à lui que l’on s’adresse pour arbitrer les fréquentes querelles entre les différentes églises locales ou pour dire quelle est la vérité doctrinale dans une période où les hérésies sont nombreuses.

Mais cette volonté du pape d’assurer la primauté de l’Église de Rome va rencontrer plusieurs obstacles. En 330, l’empereur Constantin s’installe dans la nouvelle capitale qu’il a fondée et à laquelle il a donné son nom, Constantinople. L’empire romain devient bicéphale, avec d’un côté l’empire romain d’Orient, capitale Constantinople, et de l’autre l’empire romain d’Occident, capitale Rome. Dans ce nouveau contexte l’Église de Constantinople ne tarde pas à réclamer que le pouvoir religieux soit partagé de la même manière, ce qui est inacceptable pour les évêques de Rome qui estiment que l’autorité de leur Église fondée sur les reliques de Saint Pierre et de Saint Paul, ne peut être diminuée. On a là les prémices de la future rupture entre catholiques et orthodoxes. 

En outre, en 476, l’empire romain d’Occident s’effondre sous la poussée des peuples barbares. Or, leurs souverains, quand ils deviennent chrétiens ont tendance à fonder des églises nationales soumises à leur autorité. En même temps chaque évêque a tendance à se considérer comme l'autorité religieuse suprême dans son diocèse. Cela affaiblit la position de la papauté et il faut attendre le XIe siècle pour, qu’avec la réforme grégorienne, les papes reprennent la main en affirmant que les évêques ne sont plus souverains dans leurs diocèses mais dépendent de leur autorité. C’est à ce moment là que, pour gérer cette situation nouvelle, on crée à Rome une administration qui est la Curie. Le pape n’est définitivement plus le primus inter pares des évêques mais vraiment le chef de l’Église d’Occident.

 

Dès les premiers temps de l’Église, l’élection est le système adopté pour choisir le pape.

Le pape, en tant qu'évêque de Rome, est théoriquement désigné "a clero et populo", c’est à dire par le clergé et par le peuple, mais, dans la réalité, le processus électif est réservé à l’élite du clergé et de l’aristocratie. Dans les périodes où existe un pouvoir politique fort, comme par exemple sous les premiers carolingiens, on a le souci de faire élire comme pape des personnalités respectables. Mais quand ce n’est pas le cas, comme au Xe siècle, ce sont les clans de l’aristocratie romaine qui font l’élection. Les scandales se multiplient. Certains papes reçoivent les ordres majeurs en catastrophe, quelques jours seulement avant leur élection. Quelques uns sont même assassinés pour être remplacés par le candidat d’une faction rivale. Aussi, en 1059, dans le cadre de la Réforme grégorienne, il est décidé que désormais le pape sera élu seulement par les membres les plus éminents du clergé de Rome qui prennent à ce moment-là le titre de cardinaux. Par la suite, bien sûr, des cardinaux non romains seront créés mais on continuera de les rattacher, fictivement cette fois, à une paroisse romaine ou à un évêché proche de Rome. En 1179, pour rendre l’élection plus incontestable, il est décidé de fixer aux 2/3 des voix la majorité nécessaire pour être élu pape. En tout cas, ce qu’il faut bien avoir à l’esprit c’est que, contrairement aux élections politiques, ici aucun candidat ne se présente. Le pape est l’un des membres du Collège des cardinaux qui a été choisi par ses pairs.

 

 

Le conclave au palais des Papes de Viterbe, miniature de la "Nueva Cronica", de Giovanni Villani, XIIIe siècle (Bibliothèque vaticane).

 

L’enfermement « sous clé » (du latin cum clave qui a donné le mot « conclave ») des cardinaux a été mis en place en 1274.  

Cette décision fait suite à ce qui s’était passé à la mort du pape Clément IV en 1268. Les cardinaux, réunis à Viterbe près de Rome, n’étant pas parvenus au bout de trois ans à se mettre d’accord sur le nom d’un successeur, les autorités de Viterbe, excédées, les enferment dans une salle dont ils ne pourront sortir que lorsqu'ils auront choisi le nouveau pape, ce qu’ils feront en septembre 1271 en élisant Grégoire X.







Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

La draperie sedanaise

Une activité textile fondée sur la laine cardée existe déjà à Sedan au XVIe siècle mais son importance est bien médiocre. il faut attendre le rattachement de la principauté au royaume de France en 1642 pour que débute véritablement l’industrie textile sedanaise, toujours spécialisée dans la laine cardée. En juin 1646, un arrêt du Conseil d’État accorde à un marchand parisien, Nicolas Cadeau, le privilège de fabriquer " certains draps noirs et de toute autre couleur, façon à la manière de Hollande ". Il s’agit de draps de luxe, en laine fine, très prisés à la cour du roi, dans le clergé et la magistrature, et que la France achetait jusque-là aux Pays-Bas ou en Espagne. Il faut dire qu’à l’époque domine la théorie mercantiliste, dont le plus célèbre représentant en France est le rémois Jean-Baptiste Colbert, qui estime que, la puissance d’un État se mesurant à sa richesse monétaire, il faut éviter le plus possible d’importer des produits étrangers comme l’explique alors ...

Printemps 1806, l’élite rémoise s’initie à la mnémonique.

  Le début du XIXe siècle connaît un véritable engouement pour les techniques de mémorisation, ces mnémotechnies (ou mnémotechniques) que le Grand Larousse du XIXe siècle définit comme l’art de faciliter par des moyens artificiels les opérations de la mémoire. Reims ne fait pas exception à cet engouement comme le montre le succès du cours donné au printemps 1806 par un certain François Guivard, "professeur et unique délégué de M. de Feinaigle, inventeur de la nouvelle méthode de mnémonique ou l’art d’aider et de fixer la mémoire dans tous les genres d’études et de sciences".   ( Archives municipales et communautaires de Reims, cours de mnémonique de François Guivard).    Grégoire de Fainaigle  Grégoire de Feinaigle est l'un des auteurs de mnémotechnies les plus célèbres du début du XIXe siècle. Né en 1760 en Allemagne dans le pays de Bade, il est d’abord moine au monastère cistercien de Salem, au bord du lac de Constance. En 1803, il quitte...

Deux musiciens rémo-ardennais, Nicolas de Grigny et Etienne-Nicolas Méhul.

  Nicolas de Grigny naît le 8 septembre 1672 à Reims dans une famille de musiciens qui tiennent les orgues de plusieurs églises rémoises. De toute la famille, Nicolas est de loin le plus brillant. Il parfait sa formation à Paris où il est l’élève de Nicolas Lebègue, un des organistes du roi. Il tient aussi, de 1693 à 1695, les orgues de l’église abbatiale de Saint-Denis. Nicolas de Grigny regagne Reims en 1697 comme titulaire de l’orgue de la cathédrale. Deux ans plus tard il fait paraître une œuvre majeure, son livre d’orgue , qui contient une messe et plusieurs hymnes. Malheureusement, celui qui est à l’aube d’une carrière considérable meurt prématurément à Reims le 30 novembre 1703 à seulement 31 ans, laissant derrière lui une veuve et sept enfants. Après lui, l’orgue français va délciner alors que se développe l’école allemande dont le plus célèbre représentant, Jean-Sébastien Bach, admirait Nicolas de Grigny. Il avait ainsi intégralement recopié ...

L’enseignement secondaire des garçons à Charleville au XIXe siècle.

  Le 1 er septembre 1803 un collège communal public (mais payant) ouvre à Charleville. Cette ouverture est permise par la loi du 11 floréal an X (1er mai 1802) voulue par Napoléon Bonaparte, alors premier Consul, et qui réorganise l'enseignement public après l'épisode de la Révolution. En ce qui concerne l'enseignement secondaire sa principale mesure est  la création des lycées, financés par l’État. Mais la  loi ajoute aussi que les communes peuvent établir à leurs frais des "écoles secondaires où seront enseignées les langues latine et française, les premiers principes de la géographie, de l'histoire et des mathématiques". Par la suite, ces écoles secondaires vont prendre le nom de collèges communaux, puis de collèges tout court. Dirigé par l’abbé Delvincourt, le collège communal de Charleville s’installe dans une partie des bâtiments d’un ancien couvent, le couvent du Saint Sépulcre. Il ne faut pas s'étonner de la présence d'u...

Deux papes liés à Reims, Sylvestre II et Urbain II

   Deux papes du Moyen-Age posèdent des liens avec Reims : Sylvestre II, le pape de l'An mil, et Urbain II, le pape de la première croisade. Entre les deux existe d'ailleurs une sorte de chassé-croisé puisque Sylvestre II qui n'est pas né dans notre région a vécu à Reims plus de deux décennie alors qu'Urbain II qui est né près de Reims, ville où il a aussi reçu sa formation de clerc, va ensuite quitter notre région. Sylvestre II     Gravure représentant Sylvestre II (Bibliothèque municipale de Reims).   Gerbert d’Aurillac, le futur Sylvestre II, naît vers 950 dans une famille modeste, originaire du Limousin, sans qu’on en sache plus sur le lieu exact de sa naissance . Alors qu’il a une dizaine d’années, Il est confié au monastère de Saint-Géraud, à Aurillac. I l se distingue rapidement par ses capacités intellectuelles, ce qui fait que le supérieur du monastère, lors d’une visite du comte de Barcelone, convainc ce dernier d’emmener le jeune Gerbert avec lui en...

Le rémois Fernand Labori, un des défenseurs du capitaine Dreyfus.

    Portrait de Fernand Labori (Bibliothèques de Reims). Fernand Labori naît à Reims le 18 avril 1860. Son père, inspecteur de la Compagnie des Chemins de fer de l'Est, aurait souhaité que son fils, après ses études secondaires au lycée de garçons de Reims , devienne négociant en champagne. Mais ce n’est pas du tout la vocation du jeune Labori qui , lui, entend devenir avocat. Finalement Fernand Labori obtient gain de cause et part à Paris faire son droit. Il devient avocat en 1884. Il accède à la notoriété en 1894 en étant commis d’office pour assurer la défense de l’anarchiste Auguste Vaillant qui, le 9 décembre 1893, avait jeté une bombe à la Chambre des députés, faisant plusieurs blessés. Malgré la plaidoirie de Fernand Labori, Auguste Vaillant est condamné à mort et guillotiné.     L'attentat du 9 décembre 1893 à la Chambre des députés (Musée Carnavalet).   Mais c’est surtout...

Du roman feuilleton aux séries télévisées.

  Le roman-feuilleton est un roman publié d'abord sous forme d’épisodes dans un journal. Le premier roman-feuilleton est la La Vieille Fille d’Honoré de Balzac qui paraît dans le quotidien La Presse  durant les mois d’octobre et de novembre 1836. Au départ, ce type de publication est pensé comme une première présentation de l’œuvre avant sa parution en volume, ce qui sous-entend que le livre est déjà entièrement écrit quand on commence à le publier en épisodes. Par la suite, les auteurs développent une écriture spécifique pour les romans-feuilletons où tout n’est pas programmé à l’avance, des péripéties étant rajoutées au fur et à mesure afin de conserver l’attention des lecteurs. Certains auteurs le font même au fil de la plume sans vraiment avoir fixé ce qui va suivre. Le public prend vite goût à ce mode de publication et les romans-feuilletons vont rapidement contribuer à augmenter le tirage des  journaux, faisant ainsi baisser leur prix de vente .    L...

Un Ardennais à l'origine de la Sorbonne

  "Vénérable et scientifique, Messire Robert de Sorbon", estampe du XVIIe siècle (Gallica-BNF). Robert de Sorbon naît le 19 octobre 1201 à Sorbon, petit village ardennais situé près de Rethel. Il est fils de « vilain », c’est-à-dire de paysan dans le langage de l’époque. Jeune homme doué il s’oriente vers le clergé, qui est quasiment la seule voie de promotion à l’époque pour les enfants tels que lui. Il semble qu’il ait fait ses études primaires dans une école monastique à Rethel puis, ensuite, à Reims. Arrivé à Paris, sans doute en 1215, il suit les cours de l’Université, de création toute récente. En effet, longtemps Paris n’a disposé que d’une école cathédrale où étaient enseignés le latin, la logique et l’Écriture  sainte. Mais cette école n’était en rien plus réputée que celles d’autres villes comme Orléans, Chartres, Laon ou Reims. Cette situation change après 1150. De nouvelles écoles sont fondées ...

Les Ardennes occupées (1914-1918).

    Durant la première Guerre mondiale dix départements français sont occupés par les Allemands. Neuf (dont la Marne) le sont partiellement mais un, les Ardennes, l’est dans sa totalité. Cette situation spécifique des Ardennes se maintient d’ailleurs jusqu’à la fin du conflit puisque Rethel n’est libéré que le 6 novembre 1918, Charleville le 9 et Sedan le 10. Les populations de ces départements, et au premier chef les Ardennais, vivent ainsi une guerre très différente de celle vécue par les autres Français.   Tout d’abord les Ardennais, comme tous les habitants des zones occupées par les Allemands, sont coupés de toute information venant de France. Toute correspondance avec la France est interdite. Les Allemands interdisent les appareils téléphoniques et imposent aux propriétaires de pigeons voyageurs de les tuer. La presse française est interdite. Du coup les habitants du département ignorent tout du déroulement des opérations militaires et les famill...