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Les compagnies d’archers, d’arbalétriers et d’arquebusiers


 
 
 
 
 
 
 
 
 
L’organisation de compagnies d’archers et d’arbalétriers remonte à la fin du Moyen-Age. On voit alors naître dans les villes, surtout celles du Nord de la France, des milices bourgeoises au sein desquelles les archers et les arbalétriers constituent une sorte d’élite. C’est le cas à Reims où apparaît, vers 1350, la "Compagnie du noble jeu de l’arc" puis un demi-siècle plus tard, vers 1415, la "Compagnie du noble jeu de l’arbalète". Au XVIe siècle, lorsque se généralise l’usage de l’arquebuse, des compagnies d’arquebusiers s’organisent sur le modèle des compagnies d’archers ou d’arbalétriers. Il est à noter qu’à partir de la fin du XVIIe siècle si le fusil remplace l’arquebuse les compagnies, tout en adoptant la nouvelle arme, gardent leur ancien nom de compagnies de l’arquebuse. Au début du XVIe siècle on trouve des compagnie d’arquebusiers à Reims, à Rethel et à Mézières. En 1611 une compagnie d'arquebusiers voit le jour à Pont d’Arches puis est transférée quelques années plus tard dans la ville neuve de Charleville.
 
 

reproduction photographique d'une gravure de 1750 figurant dans un Bulletin de l’œuvre des voyages scolaires, fondée à la toute fin du XIXe siècle par E-A André, Inspecteur de l'enseignement primaire à Reims (Bibliothèque municipale de Reims).

Ces compagnies ne regroupent que l’élite des bourgeois de la ville car, pour y accéder, il faut verser des droits d'entrée élevés. Ainsi, à Reims, la Compagnie des arquebusiers fait la part belle aux grandes familles bourgeoises de la ville : les Maillefer, les Coquebert, les Colbert. D’une manière générale les compagnies d’archers, d’arbalétriers ou d’arquebusiers ont la préséance sur les autres milices bourgeoises. Chaque compagnie possède son uniforme, son étendard, ses tambours. Elle a aussi ses officiers et sous-officiers. Le coût en est financé par les membres des compagnies eux-mêmes mais, en échange, ces derniers ont droit à d’importants privilèges fiscaux, ce qui suscite souvent la jalousie et la colère de leurs concitoyens. Les arquebusiers de Reims possèdent un hôtel particulier, détruit à la Révolution, et un jardin pour leurs exercices dans une rue qui prolonge la rue Large (Buirette auhourd'hui) et qui porte encore aujourd’hui le nom de rue de l’Arquebuse. 



médaille de la Compagnie des Arquebusiers de Reims, 1707 (muée Saint-Remi). L'avers porte un faisceau d'armes avec casque et cuirasse ainsi que l'inscription latine pro Rege et Patria (pour le Roi et la Patrie). Le revers porte une représentation de Saint Antoine le Grand qui est un ermite ayant vécu en Égypte entre 250 et 350. Ce Saint Antoine est le patron de multiples corporations et il est représenté ici avec ses attributs traditionnels : sa robe de moine, un livre dans la main gauche et un bâton en forme de Tau surmonté d'une clochette dans la droite ; figure aussi à sa droite un porc (ce qui n'a probablement pas à voir directement avec le Saint mais plutôt avec le fait qu'au Moyen-Age l'interdiction de laisser librement errer les porcs  dans les rues des villes ne souffrait qu'une seule exception, celle des moines de l'Ordre hospitalier de Saint-Antoine, appelés aussi Antonins, qui eux avaient le droit de le faire en accrochant des clochettes à leurs animaux.


Les exercices de tir ont généralement lieu le dimanche. A Charleville, ils se font dans un jardin situé rue de l'Arquebuse, dénomination conservée jusqu'à aujourd’hui. Tradition initiée par les archers et les arbalétriers, puis maintenue par les arquebusiers, l’épreuve du tir à l’oiseau se déroule chaque année à date fixe. Il s'agit d'un concours de tir, sur une cible de bois ou de carton représentant un oiseau, et dont les vainqueurs reçoivent de nombreux prix.

Au départ, les compagnies jouent un certain rôle militaire comme par exemple en 1521 quand les arquebusiers de Mézières participent à la défense de la ville, sous le commandement du chevalier Bayard. Mais le temps passant, ce rôle décline et au XVIIIe siècle les compagnies d’arquebusiers n’ont plus que le rôle honorifique de figurer au premier rang lors des fêtes et cérémonies officielles, comme par exemple en août 1765 pour l'inauguration de la statue de Louis XV Place Royale. 
 
(Bibliothèque municipale de Reims)
 
 
Les compagnies sont soumises à des règlements internes qui proscrivent en théorie les mauvais comportements, les jurons ou l’intempérance, mais qui sont loin d’être scrupuleusement observés.

C’est finalement la Révolution de 1789 qui va mettre fin aux compagnies d’arquebusiers, celles d’archers et d’arbalétriers ayant déjà disparu depuis longtemps.


Le Prix Général de l'Arquebuse de Reims (1687)

Ce prix qui se déroule du 15 au 25 juin 1687 rassemble 44 compagnies de villes provenant de Champagne, Picardie, Brie et autres provinces plus éloignées, soit au total un demi-millier de participants. Le matin du jour de l’ouverture, le 15 juin, les compagnies partent en procession pour assister à une messe à la cathédrale. L’après-midi, elles défilent rue de la Couture [où se tiennent les foires], l'actuelle Place d’Erlon, bien reconnaissable sur la gravure avec ses passages couverts. 
 
 
la marche observée à la montre de MM les Chevaliers de toutes les villes venus au Prix Général fait à Reims le 15 juin 1687 (Gallica-BNF)
 
 
Par contre les compétitions elles-mêmes ont probablement eu lieu à l’extérieur des remparts car le jardin de l’arquebuse intra muros était trop petit pour contenir autant de monde. Le tournoi dure une dizaine de jours, pendant lesquels les tireurs tentent de remporter l’un des quatre prix de 3 000 livres chacun, en réussissant le meilleur coup sur des cibles, placées à une distance de tir de 52 toises (100 mètres environ).

Ces informations sur le Prix de Reims de 1687 sont tirées d'une communication faite au colloque d'Amiens de juin 2018 par Thomas Fressin et intitulée activités intra et extra muros des chevaliers des nobles jeux (les actes de ce colloque, parus en 2022, aux Éditions du Septentrion, sont accessibles en ligne sur Open Edition).



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