Accéder au contenu principal

La chartreuse du Mont-Dieu dans les Ardennes

 

 

La chartreuse du Mont-Dieu est fondée en 1132 par l’Abbé de Saint Remi, Odon. Situé près du Chesne, le monastère s’élève dans une vaste clairière, au milieu d'une forêt qui abrite de de nombreux étangs. Dès le départ la chartreuse connaît un grand rayonnement spirituel et reçoit d'illustres personnages tels que Bernard de Clairvaux ou Thomas Becket. Les moines, aidés de frères convers chargés des besognes matérielles et de métayers, valorisent le domaine et font de la Chartreuse du Mont-Dieu une entité économique riche et puissante.

 


extrait de la "Carte du pays de Retelois dessigné par Jehan Jubrien", 1621 (BNF-Gallica).

 

Mais l’histoire du monastère est loin d’être un long fleuve tranquille. Au Moyen-Age les démêlés sont nombreux entre les moines et les laïcs des communautés villageoises voisines, comme celles de Tannay ou des Armoises. Les querelles portent sur l’usage des pâturages et des bois, sur les droits de pêche ainsi que sur la délimitation des propriétés. Les conflits avec les puissants comtes de Rethel sont aussi fréquents. Pour les juger on fait appel à l’archevêque de Reims ou au bailli de Vermandois

Pendant la guerre de Cent ans, la chartreuse, coincée entre le Rethélois, aux mains des Anglo-Bourguignons, et la région de Reims, aux mains des troupes de Charles VII, est pillée à plusieurs reprises ce qui oblige chaque fois les moines à se réfugier provisoirement à Reims. Mais ce sont surtout les guerres de Religion qui vont éprouver la chartreuse du Mont-Dieu. En 1568 les troupes protestantes la pillent et l’incendient. Les soldats catholiques ne se comportent guère mieux en rançonnant les moines, ce qui amène ces derniers à se réfugier encore une fois à Reims.

Les guerres de Religion terminées, une nouvelle période de prospérité commence pour la chartreuse. Le monastère est reconstruit entre 1616 et 1635. Les murs sont édifiés en briques roses et noires, venant de la briqueterie installée sur place. Ils comportent aussi un chaînage de pierres taillées extraites de la carrière d’Authe, près de Vouziers. Avec leurs toitures en ardoise les bâtiments ne sont pas sans rappeler ceux de la place Ducale de Charleville.  Vers 1750, le monastère abrite 25 chartreux, 10 frères convers et une trentaine de valets. Outre ses terres propres, la chartreuse possède aussi de nombreuses propriétés dans les villages voisins qu’elle loue à des métayers. 

 

Vue de la chartreuse du Mont-Dieu en 1780, dessin de Savart (BNF-Gallica). 


A la Révolution les moines sont expulsés et, durant la Terreur, les bâtiments de la chartreuse convertis en prison. En avril 1795, ces bâtiments sont vendus comme biens nationaux et, au fil du temps, démolis par leurs propriétaires successifs et vendus en tant que matériaux de construction. Heureusement, sous le Premier Empire, le négociant sedanais André Poupart de Neuflize achète les quelques bâtiments encore debout de la chartreuse, ce qui permet de les sauvegarder. En 1820, les bâtiments sont acquis par le maire de Charleville, François-Xavier Camus. Resté depuis aux mains de propriétaires privés successifs, ce qui demeure de l’ancienne chartreuse a été classé monument historique en 1946.

 


La chartreuse du Mont-Dieu dans les années 1940 (Archives départementales des Ardennes).

 


Il reste aujourd'hui quelques bâtiments de la Chartreuse du XVIIe siècle : le pavillon d’entrée, le corps de logis encadré, au nord par le pavillon Saint-Étienne et au sud par le pavillon Saint-Bruno, une partie des écuries, la grange et la maison du jardinier.





Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

Adolphe Clément-Bayard et la Macérienne de Mézières

Adolphe Clément et son fils Albert dans les Ardennes en 1904, photographie de l'agence Rol (BNF-Gallica). Adolphe Clément naît en septembre 1855 à Pierrefonds dans l’Oise. Son père est un modeste épicier. Le jeune Adolphe se forme par ses propres moyens à la serrurerie et à la mécanique en effectuant son tour de France. Il se passionne pour la bicyclette qui est une invention récente et participe aux premières courses cyclistes. Mais il entend créer sa propre entreprise et ouvre, en 1878, un atelier de fabrication de cycles à Paris sous la marque "Le Clément". Très vite le modeste atelier prospère et en 1886 Adolphe Clément est le plus important constructeur de cycles français.      Publicité pour les cycles Clément (BNF-Gallica).   Un tournant se produit en 1890 quand il acquiert la licence du pneu Dunlop. En devenant le représentant exclusif en France de l'entreprise, il réussit un coup de maître qui lui rapporte une fortune. Toujours prompt à ré...

De la place de de la Couture à la place d’Erlon

  La première mention de la Couture figure dans une charte de 1183 de l’archevêque Guillaume aux Blanches Mains. Celui-ci, désireux de développer sa ville, décide de lotir des terrains qui portent des cultures maraîchères (d'où le nom de couture, c'est à dire culture en ancien français) au sud de la cathédrale. Il accorde nombre de facilités à ceux qui voudraient  s'y installer et, rapidement, tout un monde de charpentiers, de charrons et de tonneliers vient y habiter. Un nouveau quartier se développe qui se dote de son église, l’église Saint Jacques. Au centre de ce quartier est édifiée une vaste place conçue pour les foires. Elle est suffisamment large pour pouvoir abriter des étaux pour les commerçants et les habitants reçoivent le droit de construire devant leur maison des loges, c'est à dire des portions de galeries s’ouvrant largement sur le dehors. L'archevêque y transfère la foire de Pâques qui se tenait jusque-là dans un champ, à la périphé...

L’inventaire après-décès d’un laboureur ardennais en 1706

  (Note : j'ai utilisé pour cet article une étude de l'archiviste Charles Braibant, parue en 1910). Sous l’Ancien Régime, le terme de laboureur désigne un paysan aisé qui exploite une vaste superficie de terres dont il peut être soit propriétaire soit fermier à bail. C’est le cas de Pierre Queutelot qui loue à Pargny, tout près de Château-Porcien dans les Ardennes (à ne pas confondre avec Pargny près de Rethel), un vaste domaine propriété de l’abbaye de Saint Berthauld de Chaumont-Porcien. Fondée au XIe siècle, l'abbaye a connu nombre de vicissitudes, en particulier lors de la guerre de Cent Ans ainsi que lors des guerres de Religion. Installée au départ sur la colline qui a donné son nom à la ville, elle est transférée au début du XVIIe siècle au lieu-dit la Piscine (sur l'actuelle commune de Remaucourt).    Chaumont (Chaumont-Porcien aujourd'hui) et ses environs, extrait du feuillet 78 de la carte de Cassini, seconde moitié du XVIIIe siècle (Gallica...

1er septembre 1870, le désastre de Sedan

  A la f in du mois d'août 1870, la guerre que la France a imprudemment engagée en juillet contre l’alliance formée entre la Prusse et les états de l’Allemagne du Sud est en train de tourner à la catastrophe pour des troupes françaises courageuses mais mal équipées et commandées par des chefs médiocres. Les Allemands sont parvenus à couper l’armée française en deux. Une partie, commandée par le maréchal Bazaine, s’est enfermée dans Metz, tandis que l’autre, commandée par le maréchal de Mac-Mahon et l’empereur Napoléon III, qui a échoué à traverser la Meuse est arrivée aux alentours de Sedan.   Carte d’état-major indiquant en bleu la disposition des troupes allemandes et en rouge celle des troupes françaises (Archives départementales des Ardennes). Durant toute la matinée du 1er septembre 1870, l’artillerie allemande forte d’environ cinq cents canons et  qui, depuis plusieurs jours, est installée sur les hauteurs autour de Sedan bombarde les trou...

Le cardinal de Lorraine

Portrait du cardinal Charles de Lorraine attribué au Greco, vers 1572 (Musée de Zurich).   Charles de Lorraine naît le 17 février 1525. Il est le deuxième fils de Claude de Lorraine, premier duc de Guise. Son frère François, en tant qu’aîné, est destiné à la carrière des armes et lui à celles des hautes fonctions ecclésiastiques. C’est la coutume à l’époque dans les grandes familles princières, que l’impétrant ait la vocation ou pas. En 1535, Charles entre au collège de Navarre à Paris où il se révèle un élève brillant. En 1538 son oncle Jean de Lorraine, titulaire d’une douzaine d’évêchés, abandonne celui de Reims au profit de son neveu qui a 13 ans. Cela nous choque aujourd’hui mais le processus est courant à l’époque. Les sièges épiscopaux importants, sources d’énormes revenus, sont souvent cumulés par des proches du roi et servent à récompenser des services politiques ou diplomatiques. Dans ce cas, on touche les revenus du diocèse tout en n’...

Le textile à Reims au Moyen-Age.

        Vente de vêtements en draps de laine au XVe siècle. Le maître couturier travaille sur mesure, essentiellement pour les riches. Les essayages se déroulent dans la boutique ou dans la rue, avec l’aide des apprentis. Quant aux pauvres ils doivent se contenter des vêtements usagés vendus par les fripiers, très nombreux au Moyen-Age (Gallica-BNF).   Au Moyen-Age, le textile est l’activité de Reims qui occupe le plus de monde. Plusieurs types d’étoffes sont fabriqués. Il y a d’abord la serge, un tissu de laine qui sert notamment à confectionner des rideaux comme le mentionne un compte de l’argenterie royale de 1316 qui note l’acquisition de six serges vertes de Reims pour mettre aux fenêtres de la chambre du roi . Il y a aussi l’étamine, une étoffe légère de laine ou de soie, voire d'un mélange des deux. Mais le produit qui possède la plus grande renommée est la toile de Reims qui est un tissu de lin, fin et délicat, dont on fait des draps de lit, des servi...

Baudouin II roi de Jérusalem

                En 1118 Baudouin, seigneur de Bourcq près de Vouziers, et fils du comte de Rethel Hugues 1er, devient roi de Jérusalem sous le nom de Baudouin II. L’arrivée de Baudouin de Bourcq en Palestine est liée à la première croisade, lancée en 1096 par le pape Urbain II, un Champenois d’origine qui a fait ses études à l’école épiscopale de Reims, alors une des meilleures de la chrétienté. Cette croisade présente un double visage, la croisade populaire, prêchée et dirigée par Pierre l’Ermite, et la croisade des chevaliers commandée par Godefroy de Bouillon, un seigneur originaire des actuelles Ardennes belges. Godefroy de Bouillon se fait accompagner par nombre de ses vassaux, notamment son frère, Baudouin de Boulogne, et son cousin, Baudouin de Bourcq. D’autres chevaliers ardennais sont aussi de l’expédition comme Roger de Chateau-Porcien ou Robert de Senuc. Si la croisade populaire est exterminée par les musulmans dès son arri...

1523 : création du bailliage de Reims

      La rue de la prison du Bailliage, située tout près de l'Hôtel de Ville, rappelle encore aujourd'hui l'ancien bailliage de Reims.   Un bailliage est une circonscription administrative née au XIIIe siècle avec à sa tête un bailli qui représente le pouvoir royal. Au départ, le bailli possède des pouvoirs très étendus, à la fois militaires, fiscaux et judiciaires mais, progressivement, il ne va conserver que son rôle de représentant de la justice royale.  Le bailli juge à la fois au criminel et au civil. Il est aussi juge d’appel, c’est à dire qu’il a le droit de réviser les sentences déjà prononcées. Il a aussi la main sur toutes les affaires où l'intérêt du roi est en question. Mais son pouvoir judiciaire connaît tout de même des limites car il doit tenir compte de la présence des nombreuses justices seigneuriales qu’il doit théoriquement respecter. Ainsi, à Reims, l’autorité, ce que l’on appelle à l’époque le droit de ban, appartient à des seign...

Reims à l'époque contemporaine

Dans le premier tiers du XIXe siècle Reims, avec 35 000 habitants, n’apparaît guère plus peuplée qu’à la fin du XVIIIe siècle. Mais, dans les décennies qui suivent, la ville va connaître une croissance spectaculaire puisqu’elle quadruple quasiment sa population qui atteint 115 000 habitants au recensement de 1911. Ce dynamisme sans précédent s’explique par la révolution industrielle. Le développement des usines rémoises et les emplois qu’elles procurent font affluer nombre d’habitants des campagnes de la Marne, des Ardennes, de Belgique, voire de plus loin. L’économie rémoise repose alors sur trois piliers : la laine, le champagne et, à partir de la fin du XIXe siècle, le succursalisme. En ce qui concerne l’industrie lainière, cette dernière atteint son apogée dans les années 1880, avant de progressivement décliner. Le commerce du vin de champagne, lui, est très actif et exporte de plus en plus, en particulier en Russie, au Royaume-Uni, en Allemagne et aux États-Unis. Reims est enfin l...