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Reims à l'époque contemporaine









Dans le premier tiers du XIXe siècle Reims, avec 35 000 habitants, n’apparaît guère plus peuplée qu’à la fin du XVIIIe siècle. Mais, dans les décennies qui suivent, la ville va connaître une croissance spectaculaire puisqu’elle quadruple quasiment sa population qui atteint 115 000 habitants au recensement de 1911. Ce dynamisme sans précédent s’explique par la révolution industrielle. Le développement des usines rémoises et les emplois qu’elles procurent font affluer nombre d’habitants des campagnes de la Marne, des Ardennes, de Belgique, voire de plus loin.

L’économie rémoise repose alors sur trois piliers : la laine, le champagne et, à partir de la fin du XIXe siècle, le succursalisme. En ce qui concerne l’industrie lainière, cette dernière atteint son apogée dans les années 1880, avant de progressivement décliner. Le commerce du vin de champagne, lui, est très actif et exporte de plus en plus, en particulier en Russie, au Royaume-Uni, en Allemagne et aux États-Unis. Reims est enfin le berceau des grandes maisons d’alimentation à succursales multiples qui au début du XXe siècle rayonnent sur tout le Nord-est de la France, comme les Docks Rémois, les Comptoirs Français, Goulet-Turpin et la Société rémoise de l’Épicerie.

L’aspect de la ville se modifie profondément. En 1848 le canal de l’Aisne à la Marne est ouvert jusqu’à Reims avant d’être poursuivi dans les années suivantes. Quant au train, il arrive en 1854. Entre 1840 et 1880 la destruction des remparts donne naissance à une ceinture de boulevards au-delà desquels se développent des faubourgs ouvriers à l'habitat médiocre. Au nord on trouve le faubourg de Laon, au nord-est le faubourg Cérès et au sud celui de Sainte-Anne. Dans le dernier quart du XIXe apparaissent les tramways à chevaux puis, à partir de 1900, les tramways électriques.



Sur cette carte-postale de 1900 on voit nettement les deux Reims : au premier plan le centre-ville bourgeois avec ses constructions monumentales comme la Cathédrale, l’Hôtel de Ville, ou, le Palais de Justice ; au second plan le Reims ouvrier avec ses usines.

Avec la Première Guerre mondiale, commence le temps des épreuves. Reims se trouve sur la ligne de front de septembre 1914 à octobre 1918 et, pendant ces 1000 jours passés sous les obus allemands, la ville est détruite à 80 %. Seule une petite minorité de la population civile est demeurée à Reims pendant la guerre avant d'être complètement évacuée en mars 1918. 

 

 



Après l'armistice du 11 novembre 1918 le retour des Rémois ne se fait que progressivement. La ville se reconstruit dans les années 1920 mais le niveau de population de 1911 n’est retrouvé qu’en 1936. La crise économique des années 1930 et l’occupation allemande, de 1940 à 1944, sont aussi des temps difficiles.

Au sortir de la Seconde Guerre mondiale, Reims est une ville largement à bout de souffle. Avec 111 000 habitants elle retrouve tout juste le chiffre de sa population de 1911. Son économie est en plein marasme. L’industrie textile, en déclin depuis la fin du XIXe siècle, est moribonde. Le succursalisme cesse d'être une spécificité rémoise et se trouve mal adapté aux nouvelles formes de commerce. Le champagne, lui, possède un fort potentiel de développement mais il sort tout juste des difficultés des années 1930 et de l’occupation. Les dirigeants rémois sont conscients de cette situation et entendent bien transformer la ville. Cela va être l’œuvre des municipalités successives, mais aussi du Comité d’expansion de Reims et de sa Région et des trois puissants organismes logeurs rémois : le Foyer Rémois fondé en 1912, l’Office public d’HLM créé en 1919 et l'Effort Rémois mis en place en 1947.


Jusqu’au milieu des années 1950 Reims connaît une expansion modérée, symbolisée par le plan d’urbanisme de l’architecte d’origine rémoise Robert Camelot qui entend plafonner la ville à 140 000 habitants. Cependant, à la fin des années 1950, dans le contexte des Trente Glorieuses triomphantes, les ambitions rémoises augmentent. La ville atteint les 150 000 habitants et un nouveau plan, celui de l’urbaniste franco-américain Maurice Rotival, est mis en place. Ce plan entend transformer le centre-ville, même si finalement ne sera effectivement réalisée que la rénovation du vieux quartier Saint Rémi. Il crée aussi un distributeur urbain avec l'autoroute A4 et ses multiples échangeurs. Enfin naissent des zones d'habitation nouvelles composées de grands ensembles périphériques, le quartier Orgeval au nord, le  quartier Europe à l'est et le quartier Croix Rouge au sud- ouest qui compte à lui seul 25 000 habitants.


Mais au milieu des années 1970 le contexte se modifie profondément. La crise économique casse la forte croissance et l'augmentation de la population ralentit nettement, 178 000 habitants en 1975, 184 000 en 2015. Les grands ensembles des années 1960-1970 deviennent de plus en plus des lieux de ségrégation sociale. A l'inverse les communes périphériques, comme Tinqueux, Cormontreuil ou aujourd’hui Bezannes, connaissent, elles, un fort développement. Reims devient une agglomération qui s’étend au-delà des limites communales rémoises. La ville est aussi de mieux en mieux reliée à l’extérieur : deux autoroutes s’y croisent qui reprennent d’ailleurs l’orientation des routes gallo-romaines, l’autoroute A4 succédant à la voie romaine qui joignait Sens à Trèves en Allemagne et l’A26 reprenant la voie romaine joignant Lyon à Boulogne-sur-Mer. Depuis 2007 le TGV met Reims à 45 minutes de Paris. Enfin, à l’intérieur de la ville, le nouveau tramway inauguré en 2011 améliore la desserte urbaine.


L’inauguration du tramway le 16 avril 2011

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