Portrait du cardinal Charles de Lorraine attribué au Greco, vers 1572 (Musée de Zurich).
Charles de Lorraine naît le 17 février 1525. Il est le deuxième fils de Claude de Lorraine, premier duc de Guise. Son frère François, en tant qu’aîné, est destiné à la carrière des armes et lui à celles des hautes fonctions ecclésiastiques. C’est la coutume à l’époque dans les grandes familles princières, que l’impétrant ait la vocation ou pas. En 1535, Charles entre au collège de Navarre à Paris où il se révèle un élève brillant. En 1538 son oncle Jean de Lorraine, titulaire d’une douzaine d’évêchés, abandonne celui de Reims au profit de son neveu qui a 13 ans. Cela nous choque aujourd’hui mais le processus est courant à l’époque. Les sièges épiscopaux importants, sources d’énormes revenus, sont souvent cumulés par des proches du roi et servent à récompenser des services politiques ou diplomatiques. Dans ce cas, on touche les revenus du diocèse tout en n’y étant pas physiquement présent. Ainsi, après sa nomination au siège de Reims, Charles de Lorraine poursuit ses études à Paris et fréquente la cour de François 1er. Son diocèse est géré par un vicaire général. C’est seulement le 6 décembre 1546 que Charles de Lorraine, qui a alors atteint l’âge requis par le droit canon, fait son entrée solennelle à Reims pour prendre possession de son évêché. En 1547, peu après avoir sacré à Reims le roi Henri II, il est nommé cardinal. Charles de Lorraine est l’un des prélats les plus riches du royaume avec 300 000 livres de revenus annuels et un collectionneur au goût raffiné (c'est lui qui achète le fameux évangéliaire saxon que j'évoque dans mon article sur Anne de Kiev).
Au début de son épiscopat, il est souvent absent de son diocèse pour des missions politiques et religieuses. sa présence à Reims est cependant plus fréquente après son retour du concile de Trente, en 1564 car il fait appliquer les réformes décidés au concile et, au premier chef, la présence physique de l’évêque dans son diocèse. Conformément aussi à ce qui a été souhaité au concile pour lutter contre la négligence des prêtres dans l’accomplissement de leur ministère, Charles de Lorraine, en 1564, établit le premier séminaire français. Installé d'abord dans un bâtiment provisoire, le séminaire est transféré en 1567 rue du Barbâtre dans une maison que le cardinal a fait construire.
En 1548, Charles de Lorraine est à l'origine de l’Université de Reims (voir l'article "Université et Collèges"). Il fait aussi venir celui qui est considéré comme le premier imprimeur à s'installer à Reims, Nicolas Bacquenois. Matrice du grande sceau de l'Université de Reims, 1568 (Bibliothèque Carnegie).
L’archevêque n’hésite pas à monter lui-même en chaire pour prêcher. Il institue aussi de nombreuses processions comme celle de la Fête-Dieu qui se termine par un credo solennel entonné en chœur et dont le souvenir se perpétue à Reims par la rue du Grand Credo.
Charles de Lorraine joue aussi un un rôle politique extrêmement important. Le cardinal est l’un des principaux prélats qui siègent dans le Conseil du roi, en particulier sous François II où il devient un quasi premier ministre et a la charge de former le futur Charles IX. Il représente aussi à plusieurs reprises le roi de France auprès du pape.
Anonyme vénitien, 16ème siècle, portraits présumés du Cardinal de Lorraine et du futur Charles IX (Musées de Reims).
Le contexte de l’époque est marqué par le début des guerres de religion, entre catholiques et protestants. Au départ, Charles de Lorraine se rallie à la politique modérée, menée par Catherine de Médicis et Michel de l’Hôpital. Il participe ainsi au colloque de Poissy en 1561 où il dialogue avec le théologien protestant Théodore de Bèze.
Le colloque se tient au prieuré royal Saint-Louis à Poissy, entre le 9 septembre et le 14 octobre 1561. Il est organisé par la régente Catherine de Médicis (en robe noire avec à sa droite le roi Charles IX. Ce dernier, âgé de 11 ans, a été sacré par le cardinal de Lorraine le mois de mai précédent mais il ne régnera qu'à sa majorité, deux ans plus tard, en 1563) et le chancelier Michel de l’Hospital. Réunissant prélats et théologiens catholiques derrière le cardinal de Lorraine (au centre du tableau) , ainsi que des ministres des églises réformées menés par Théodore de Bèze (le personnage en noir en train de parler), le colloque a pour dessein de trouver un compromis doctrinal et disciplinaire acceptable par tous.
Mais après l’échec du colloque, le cardinal va prendre des positions anti protestantes de plus en plus radicales, encore accentuées par l’assassinat de son frère François en 1563 par le protestant Poltrot de Méré. Charles de Lorraine fait alors figure de défenseur intransigeant de la cause catholique. Le 4 décembre 1563, dans un discours au concile de Trente, il jette l’anathème sur les hérétiques. Il se rapproche aussi du roi d’Espagne, dont il souhaite le concours pour défendre le catholicisme. Certes, il est absent du Conseil royal du 23 août 1572 qui décide du massacre de la Saint Barthélémy mais le 10 septembre suivant, il écrit une lettre au roi pour lui exprimer sa satisfaction devant le massacre qu’il juge être un juste châtiment envers les protestants. Ces positions lui valent d’être la cible de violentes attaques des protestants qui développent contre lui une véritable légende noire. On le dépeint comme un monstre assoiffé de pouvoir et comme un ennemi de la France à cause des de ses origines lorraines et de ses amitiés espagnoles.
Après la Saint-Barthélemy le cardinal pense conserver sa position centrale dans l’entourage royal. Mais il n’en est rien et il est mis à l’écart. Catherine de Médicis éprouve désormais une grande méfiance à son égard et une partie de l’entourage royal veut l’évincer du Conseil royal. Amer, Charles de Lorraine compte beaucoup sur le nouveau roi de France, Henri III, monté sur le trône en mai 1574 (mais qui ne sera sacré à Reims qu'en février 1575 par Louis de Lorraine qui a succédé à son oncle sur le siège de Reims). En décembre 1574, le cardinal accompagne Henri III en Avignon. C’est là, au cours d’une procession en l’honneur de l’Immaculée Conception que le cardinal tombe gravement malade et meurt quelques jours plus tard, le 26 décembre 1574. Son tombeau se trouve dans la cathédrale de Reims et, depuis 1844, la rue qui longe le palais du Tau porte son nom.
Commentaires
Enregistrer un commentaire