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1er septembre 1870, le désastre de Sedan

 







A la fin du mois d'août 1870, la guerre que la France a imprudemment engagée en juillet contre l’alliance formée entre la Prusse et les états de l’Allemagne du Sud est en train de tourner à la catastrophe pour des troupes françaises courageuses mais mal équipées et commandées par des chefs médiocres. Les Allemands sont parvenus à couper l’armée française en deux. Une partie, commandée par le maréchal Bazaine, s’est enfermée dans Metz, tandis que l’autre, commandée par le maréchal de Mac-Mahon et l’empereur Napoléon III, qui a échoué à traverser la Meuse est arrivée aux alentours de Sedan.

 


Carte d’état-major indiquant en bleu la disposition des troupes allemandes et en rouge celle des troupes françaises (Archives départementales des Ardennes).


Durant toute la matinée du 1er septembre 1870, l’artillerie allemande forte d’environ cinq cents canons et  qui, depuis plusieurs jours, est installée sur les hauteurs autour de Sedan bombarde les troupes françaises tuant ou blessant de nombreux soldats. L’artillerie française, dont les canons ont une portée beaucoup plus courte que ceux des Allemands est quasi impuissante à leur donner la réplique.




L'artillerie française est encore équipée de canons en bronze à chargement par la bouche. En outre, elle ne peut mettre en ligne qu'à peine un millier de pièces.


 

L’artillerie allemande, elle, est déjà équipée de canons en acier à chargement par la culasse. Cela s'explique par l'avance allemande dans l'industrie sidérurgique, symbolisée par la firme Krupp. Elle possède aussi deux fois plus de canons que l'artillerie française.

 


 

 

 

L’armée française ne peut ni empêcher son encerclement ni percer les lignes allemandes à cause de son infériorité numérique, 120 000 hommes du côté français, plus de 200 000 du côté allemand. Déjà inférieures en nombre les troupes françaises subissent en outre des ordres erratiques et contradictoires car Mac-Mahon, blessé dès le début des combats, doit renoncer à son commandement qui passe, dans la même journée, à deux chefs différents, ce qui désoriente totalement les troupes. Malgré une résistance héroïque, les Français sont battus à Bazeilles et à Donchery. La panique gagne alors l'armée française qui se réfugie dans Sedan, espérant vainement pouvoir échapper aux Allemands.

 


 La cohue des soldats français entrant dans Sedan, gravure allemande  (Musée Carnavalet, Paris).


L'empereur Napoléon III, resté dans la ville, comprend en fin de journée que tout est perdu et donne, vers 18 heures, l’ordre de hisser le drapeau blanc. 

 

 


 Le roi Guillaume 1er de Prusse, accompagné de son général en chef Moltke, de son premier ministre Bismarck et de son fils le prince de Prusse, effectuant une visite du champ de bataille après l'arrêt des combats,  lithographie de la fin du XIXe siècle (Archives départementales des Ardennes).

 

Dans la matinée du 2 septembre 1870, l’armée française capitule. Napoléon III sort de Sedan pour rencontrer Bismarck à Donchery et avoir ensuite une courte entrevue avec le roi de Prusse au château de Bellevue, au sud de Sedan.

 

La rencontre de Donchery, tableau de Wilhelm Camphausen



 Le , l'Empereur, désormais prisonnier, quitte définitivement la France pour pour son lieu de captivité, le château de Wilhemshöhe près de Cassel, en Hesse. En 1871, sa captivité prend fin et L'empereur déchu rejoint alors ses proches en Angleterre où il décède en janvier 1873 (Archives départementales des Ardennes).


Les 80 000 soldats français faits prisonniers sont rassemblée dans la presqu’île d’Iges,  située dans une boucle de la Meuse au nord-ouest de Sedan. C'est dans cet espace de 1 kilomètre de large sur 3 kilomètres de profondeur que 80 000 soldats français et plus de 6 000 chevaux vont vivre sans recevoir aucun ravitaillement. Ce "camp de la misère", comme il a été surnommé, causera de très nombreux décès, d'autant plus que ce n'est qu'à partir du 6 septembre, et pendant dix jours, que les soldats sont progressivement conduits vers des camps de prisonniers en Allemagne.

 

 Photographie,  prise par les Allemands ,des ruines de Bazeilles, village situé au sud-ouest de Sedan, où de durs affrontements se sont déroulés entre des unités bavaroises et des troupes françaises d’infanterie de marine (Musée de l'Armée).

 

Cette humiliation totale, l'armée défaite, l'empereur prisonnier, provoque en France une onde de choc. Le 4 septembre 1870 la République est proclamée et un Gouvernement provisoire formé. Alors que les Allemands mettent le siège devant Paris, le Gouvernement provisoire essaie de continuer la lutte et lève, sous l’impulsion de Gambetta, plusieurs armées en province. Mais au début de l'année 1871 c’est l’échec. Le 18 janvier 1871, le roi de Prusse Guillaume Ier est proclamé Empereur d'Allemagne dans la galerie des glaces du château de Versailles. Quelques jours plus tard, Paris capitule et un armistice est signé à Versailles le 28 janvier. Un traité de paix, est négocié dans le contexte dramatique de cette guerre civile qu’est la Commune de Paris. Il est signé à Francfort le 10 mai 1871. L’Allemagne annexe l’Alsace-Moselle et occupe une partie du territoire français jusqu’au versement par la France d’une indemnité de guerre de cinq milliards de francs-or.


 

Dans le roman d'Emile Zola, La Débâcle, qui est le dix-neuvième volume de la série  Les Rougon-Macquart, les batailles de Bazeilles et de Sedan sont longuement évoquées (l'ouvrage est en accès libre de droits sur internet).



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