Accéder au contenu principal

L'ardennais Dubois-Crancé, une figure de la Révolution



Edmond-Louis-Alexis Dubois-Crancé naît le 17 octobre 1747 à Charleville. Il est le cinquième de quatorze enfants. Sa famille, est un cas d’ascension sociale puisque, appartenant au départ à la bourgeoisie, elle a été anoblie même si cet anoblissement a été contesté à l'époque. Cela explique que, alors qu'il est connu sous le nom de Dubois-Crancé, Edmond-Louis-Alexis n’en signera pas moins toute sa vie Dubois de Crancé. Élève au collège jésuite de Charleville, il se destine au métier des armes. En 1762, grâce à son oncle il entre avec une dispense d'âge (il a quatorze ans et-demi), dans la première compagnie des mousquetaires de la garde du roi en avril 1762. Malheureusement pour lui, les deux compagnies de mousquetaires sont dissoutes en décembre 1775, ce qui l'amène à s'installer à Châlons-en-Champagne puis à Balham, près de Rethel, avec sa femme, épousée en 1772. Là, il mène une vie de propriétaire terrien adepte des idées nouvelles, notamment celles des physiocrates.

En 1789, il est élu député du tiers-état aux États généraux par le bailliage de Vitry-le-François. Il joue un rôle actif lors du serment du Jeu de Paume (20 juin 1789) et de la proclamation de l’Assemblée nationale constituante (17 juillet 1789). 

 


 


Pour le deuxième anniversaire du serment du Jeu de Paume, en 1791, Dubois-Crancé propose une souscription nationale. Le peintre David, avec qui il s’est lié d’amitié, est choisi pour exécuter un tableau destiné à la salle de l’Assemblée nationale, tableau qui, en fait, ne sera jamais terminé. On en a ici une esquisse, attribuée à David  et conservée à Paris, au musée Carnavalet. Le peintre a représenté, Dubois-Crancé  debout sur une chaise.

 

Dubois-Crancé participe activement aux débats concernant l’armée. En décembre 1789, il est le premier à prôner un service militaire obligatoire à la place de l’armée traditionnelle fondée sur des engagés, mais son projet est rejeté. En octobre 1791, ne pouvant légalement être élu à l’Assemblée législative, il devient chef de bataillon dans la Garde nationale parisienne puis, en 1792, colonel dans l’armée du Midi. En septembre 1792 il est élu député des Ardennes à la Convention où il siège au sein des Montagnards. 

 

 

Dubois-Crancé, député à la Convention (Musée Carnavalet, Paris).

 

Dubois-Crancé joue un rôle majeur dans l’organisation des armées républicaines en faisant voter, en février 1793, l’amalgame qui mêle soldats de métier et volontaires nationaux en donnant à tous le même uniforme, la même paye et la même discipline. Nommé général de brigade, il participe à l’été 1793 au siège de la ville de Lyon que les royalistes ont soulevé contre la Convention. A cette occasion, il est accusé de mollesse et manque d’être mis en accusation devant le Tribunal révolutionnaire. Au moment du 9 thermidor, il se range parmi les ennemis de Robespierre. Lorsque se met en place le Directoire il soutient le nouveau régime et, en octobre 1795, il est élu député de la Mayenne au conseil des Cinq-Cents. Le 23 septembre 1799, il est nommé ministre de la guerre. Mais sa carrière ministérielle dure à peine deux mois car son absence de soutien à Bonaparte lors du coup d’État du 18 Brumaire an VIII (9 novembre 1799) lui coûte son poste, que Bonaparte lui retire pour le confier au futur maréchal Berthier.

Dubois-Crancé retourne alors dans sa propriété ardennaise de Balham. Il joue le rôle d’un notable local comme maire de la commune et en finançant, sur sa fortune personnelle, plusieurs travaux d’intérêt public. En 1809, il quitte Balham, au climat trop humide, pour Rethel où, devenu paralysé, il meurt le 29 juin 1814.


 

Dubois-Crancé avec sa seconde épouse à Baltham, tableau de Jean-Louis Laneuville, vers 1802 (Musée de l'Ardenne). Dubois-Crancé épouse en 1772 Marie-Catherine de Montmeau, fille d’un conseiller en l’Hôtel de Ville de Troyes. Il en divorce en 1793 et épouse, l'année suivante, Marie-Marguerite Salmon, fille d’un mercier de Paris. De ses deux mariages il n'a pas eu d'enfant. La bêche qu'il tient  sur le tableau rappelle que l’agriculture est l’un de ses sujets de prédilection, mais elle peut être aussi vue comme une identification à Cincinnatus, l’homme d’État romain retourné à la simplicité des travaux des champs.


Le denier avatar survenu à Dubois-Crancé est post-mortem. Dans son testament, Il avait demandé qu'on lui élevât, dans le cimetière de Rethel, un monument dont la dépense ne devait pas s'élever à plus de trois mille francs. La construction du monument était commencée quand le gouvernement de la Restauration la fait stopper net au motif qu’il était inconvenant de célébrer un conventionnel ayant voté la mort de Louis XVI. On détruit alors tout ce qui avait été déjà édifié et c’est seulement en mai 1849 que les restes de Dubois-Crancé sont exhumés et réenterrés dans une tombe du nouveau cimetière de Rethel.


























Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

La draperie sedanaise

Une activité textile fondée sur la laine cardée existe déjà à Sedan au XVIe siècle mais son importance est bien médiocre. il faut attendre le rattachement de la principauté au royaume de France en 1642 pour que débute véritablement l’industrie textile sedanaise, toujours spécialisée dans la laine cardée. En juin 1646, un arrêt du Conseil d’État accorde à un marchand parisien, Nicolas Cadeau, le privilège de fabriquer " certains draps noirs et de toute autre couleur, façon à la manière de Hollande ". Il s’agit de draps de luxe, en laine fine, très prisés à la cour du roi, dans le clergé et la magistrature, et que la France achetait jusque-là aux Pays-Bas ou en Espagne. Il faut dire qu’à l’époque domine la théorie mercantiliste, dont le plus célèbre représentant en France est le rémois Jean-Baptiste Colbert, qui estime que, la puissance d’un État se mesurant à sa richesse monétaire, il faut éviter le plus possible d’importer des produits étrangers comme l’explique alors ...

Les pèlerinages dans le diocèse de Reims à la fin de l'Ancien régime

    Le diocèse de Reims depuis le 14e siècle, avec les plans de Reims, Rethel, Sedan, Mézières et Charleville au 18e siècle. Tous les établissements religieux existant à la veille de la Révolution sont mentionnés. Carte établie et publiée en 1957 par Lucie Fossier et Odile Grandmottet (numérisée en 2021 par la Bibliothèque historique de la Ville de Paris et visible pour l'agrandir sur Gallica-BNF). Portrait de Charles-Antoine de la Roche-Aymon (1697-1777), école du peintre suédois Alexandre Roslin (Musée de San-Francisco).   En 1774, le cardinal de la Roche-Aymon, archevêque de Reims, envoie à chaque curé de son diocèse un long questionnaire imprimé portant sur la situation de sa paroisse. Cette initiative est d'ailleurs exceptionnelle au XVIIIe siècle puisque, outre Reims, deux diocèses seulement ont fait de même, Rodez en 1771 et Bordeaux en 1772. En outre, c'est l'enquête de Reims qui est la plus détaillée et la plus riche en questions. Or, parm...

Le protestantisme à Reims

  Dans le premier tiers du XVIe siècle le protestantisme semble déjà avoir pénétré à Reims puisque quelques groupes de réformés  parcourent les rues en chantant des psaumes. Mais, dans la ville des sacres où le clergé catholique est très puissant, le nombre de protestants est bien faible, 3 à 400 au grand maximum. En outre, l’arrivée en 1538, comme archevêque, du cardinal de Lorraine (cf. l'article du blog qui lui est consacré) , un des champions de la Contre-Réforme catholique, va réduire à néant le développement du protestantisme à Reims. Les protestants rémois sont chassés, en particulier l'influent Pierre Craon, dit "Nez d'argent" à cause d'une plaque de ce métal qu'il portait suite à un accident.    Voulez vous ouyr chanson La plus belle de France, C'est du nez d'argent Qui est mort sans doutance: A la voyrie fut son corps estendu Or est le nez d'argent pendu. On a veu nez d'argent Avecques ses complices Estans dedans Pa...

Les métamorphoses de la Champagne crayeuse

      La champagne crayeuse (en vert sur la carte) est un vaste plateau peu élevé qui, de Reims à Troyes, forme un arc arc-de-cercle s’étendant sur 175 kilomètres du nord au sud et sur une soixantaine de kilomètres d’ouest en est. A cheval sur les trois départements des Ardennes, de la Marne et de l'Aube, elle se présente comme une plaine largement ondulée et coupée par des vallées, dont l'altitude varie entre 100 et 250 mètres. Comme une grande partie du Bassin Parisien auquel elle appartient elle est constitué de craie mais ici, à la différence de la Brie voisine, elle n’est pas recouverte de loess fertile. En Champagne la craie affleure à la surface avec, au mieux, une épaisseur de terre de 30 à 40 centimètres. Pendant des siècles cette Champagne crayeuse, sans passer pour une région très riche, n’est pas considérée comme un pays misérable. A l’époque gallo-romaine les auteurs latins évoquent les riches moisons de la région des Rèmes et l’abondance de...

La contrebande dans les Ardennes sous l’Ancien Régime.

    Cette contrebande concerne essentiellement le tabac et le sel, deux produits dont l’État royal possède le monopole de la vente et sur lesquels il lève une taxe. Celle-ci n’est d'ailleurs pas perçue par une administration au sens moderne du terme mais par ce que l’on appelle la Ferme Générale qui est une association de financiers privés qui ont acheté au roi le droit de prélever la taxe en lui assurant une certaine somme prévue à l'avance et en gardant le reste pour eux. Les taxés paient donc non seulement ce qui est reversé au roi mais aussi ce que la Ferme juge bon de recevoir comme profit personnel. Dans ces conditions on comprend que la tentation est grande d’y échapper, ce qui alimente une importante contrebande.   En ce qui concerne le tabac, les contrebandiers ardennais s’approvisionnent à l’étranger, en particulier dans le pays de Liège, mais aussi dans le Hainaut français qui bénéficie d’une taxe sur le tabac moins élevée. Le trafic semble considé...

Le Vieux Moulin de Charleville

    Le Vieux Moulin de Charleville en 1886 par Albert Capaul (Archives Départementales des Ardennes). En 1606, Charles de Gonzague décide de fonder une cité nouvelle, Charleville, dont, deux ans plus tard, il fait la capitale de sa principauté d’Arches (cf. l’article de mon Blog sur l’histoire de Charleville). La population de la ville s’accroissant, les besoins en farine augmentent. Or il existe seulement trois petits moulins qui appartiennent à des particuliers et dont deux sont situés en dehors de la ville. Aussi, Charles de Gonzague exige-t-il que soit construit un grand moulin banal où tous les habitants de Charleville auront l’obligation de faire moudre leurs grains en payant une redevance au prince. Sa construction commence e n avril 162 6 et il est mis en service dès l'année suivante.     "Charleville, sur le bord de la Meuze dans la principauté souveraine Darches", plan de 1700 (Gallica-BNF).  Le moulin s’intèg...

Reims gallo-romain

          Les Rèmes s’étant révélés de fidèles alliés, Rome les récompense en dotant Durocotorum du statut privilégié de cité fédérée et en faisant de la ville la capitale de la province romaine de Belgique. Durocortorum connaît son apogée à la fin du IIe siècle après Jésus-Christ.  La ville a une superficie de 5 à 600 ha, ce qui est exceptionnel à l’époque et elle est entourée d’une enceinte de 7 kilomètres de long. Elle se situe au carrefour de deux voies romaines très importantes : l’une, ouest-est, va de Sens à Trèves, l’autre, sud nord, joint Lyon à Boulogne-sur-mer. Dans la ville elle-même, ces deux axes donnent le cardo nord/sud (avenue de Laon/rue du Barbâtre) et le decumanus ouest-est (rue de Vesle/rue Cérès). Durocortorum compte peut-être 20 000 habitants, soit à l'époque presque autant que Lugdunum (Lyon). La ville possède de nombreux monuments : un amphithéâtre, des thermes à l’emplacement de l’actuelle cathédrale, une basilique à...

Un Conventionnel rémois, Jean-Baptiste Armonville

    Jean-Baptiste Armonville naît à Reims, le 18 novembre 1756, dans une famille pauvre. Son père, après avoir été soldat sous le surnom de Saint-Amour, est devenu ouvrier sergier. Orphelin de mère à quatorze ans, Jean-Baptiste Armonville perd aussi, peu de temps après, son père. Il est alors recueilli par deux oncles et devient cardeur en laines. Malgré la dureté de sa condition il parvient à apprendre à lire et à écrire même si c'est de manière assez limitée. Il a aussi la charge de ses cinq enfants qu’il doit même abandonner provisoirement à l’Hôtel-Dieu de Reims, après le décès de sa femme. En 1789, Jean-Baptiste Armonville adopte immédiatement les idées révolutionnaires et anime les réunions populaires qui ont lieu à l’ancien couvent des Minimes, en plein quartier Saint-Remi qui est celui de l’industrie lainière rémoise. Son influence sur les ouvriers de la laine apparaît en pleine lumière dans l’été 1792 quand la guerre menace la frontière de l’Est. Le 4 juillet 1...

Deux archevêques de Reims aux XVIIe et XVIIIe siècles, Charles-Maurice Le Tellier (1642-1710) et Alexandre-Angélique de Talleyrand-Périgord (1736-1821)

    Charles-Maurice Le Tellier peint par Pierre Mignard, 1691 (Musées de Reims). Charles-Maurice Le Tellier naît en 1642 à Turin, son père, Michel Le Tellier, étant à cette époque intendant des troupes françaises stationnées dans le Piémont italien. Par la suite, Michel Le Tellier sera ministre de la guerre de Louis XIV. De ses deux fils, l’aîné, Louvois, lui succédera au même poste. Le second, Charles-Maurice, est quant à lui destiné à l’Eglise. Ordonné prêtre en 1666, il devient deux ans plus tard coadjuteur de l’archevêque de Reims, l’italien Antonio Barberini qui, résidant à Rome, n’était quasiment jamais venu dans son diocèse. En 1671, à la mort du cardinal Barberini, Le Tellier lui succède officiellement. Fils et frère de ministres, Charles-Maurice Le Tellier vit une partie importante du temps à la cour de Louis XIV dont il a la faveur. L’archevêque est un homme intelligent, habile, mais aussi un mondain, avide de plaisirs et d’honneurs. ...

Guillaume Tronson du Coudray,

            Guillaume Tronsson, dit Tronson du Coudray, naît à Reims le 18 novembre 1750 dans une famille bourgeoise. Son père, un négociant, ayant fait de mauvaises affaires et ne pouvant continuer à payer ses études au Collège des Bons-Enfants, le fait entrer au séminaire. Mais le jeune Guillaume qui n’a aucune vocation religieuse quitte assez vite le séminaire et obtient une bourse pour entrer à l’Université de Reims. Après avoir obtenu sa licence en droit il travaille chez un négociant en vins de champagne. Lorsque son employeur lui intente injustement un procès Guillaume Tronson-Ducoudray décide de se défendre lui-même et obtient gain de cause. Ce succès l'incite alors à s’établir comme avocat à Paris où il acquiert la renommée en plaidant dans des affaires qui ont un grand retentissement.    Dessin réalisé en 1859 par Jules Perreau et représentant Guillaume Tronson du Coudray (Bibliothèques municipales de Reims).   En 1789,...