Histoire de Sedan









Le nom de Sedan apparaît pour la première fois dans un texte du IXe siècle. Un siècle plus tard, un prieuré bénédictin dédié à saint Martin est installé sur la colline dominant le village de Sedan. La seigneurie de Sedan est de modeste importance mais elle est bien située, à la charnière entre le royaume de France et les terres relevant du Saint Empire romain germanique. En 1410, Evrard de La Marck, un seigneur allemand allié du roi de France, devient par son mariage seigneur de Sedan et, entre 1426 et 1430, fait édifier un château fort. Son action est continuée par son fils Jean qui règne de 1440 à 1470 et qui fait du château de son père une véritable forteresse. Il réunit aussi trois petits villages en contre-bas du château et les entoure d’une muraille. Sedan, malgré sa petite superficie de 200 km², devient alors une principauté souveraine.

En 1563, le prince de Sedan de l'époque, Henri-Robert de La Marck, se convertit au protestantisme, suivi par les trois-quarts des Sedanais. Les protestants dominent désormais la ville. Quant à la minorité demeurée catholique elle peut pratiquer son culte mais elle est seulement tolérée par les protestants. Ce sont ces derniers qui, en 1565, créent la première imprimerie de Sedan. En outre, de nombreux réformés fuyant le royaume de France viennent se réfugier à Sedan, y apportant leurs compétences comme l’émailleur Bernard Palissy qui y reste deux ans. A la fin du XVIe siècle, la population atteint alors 5 000 habitants. Sedan devient la « petite Genève ». En 1591, la dernière descendante des de La Marck, Charlotte, épouse Henri de la Tour d’Auvergne, un chef protestant proche de Henri IV. Mais elle meurt en 1594 et Henri de la Tour d’Auvergne se remarie avec Elisabeth de Nassau qui n’est autre que la fille de Guillaume d’Orange, dit le taciturne, stathouder de Hollande.

L’action d’Henri de La Tour d’Auvergne à Sedan est considérable. Il fait construire un Hôtel de Ville, un temple protestant et fonde une Académie. Il faut rappeler que l’éducation est un enjeu considérable dans la lutte entre  catholiques et protestants. A l’arrivée de Henri de La Tour d’Auvergne, Sedan possède déjà un collège protestant qui assure une formation de niveau secondaire, pour employer le langage d’aujourd’hui. Le prince va, dans  son prolongement, créer un établissement de niveau supérieur, l’Académie qui est destinée avant tout à former des pasteurs. Cependant, faute d’un budget suffisant, l’Académie de Sedan ne possède pas de bâtiments propres. Les cours ont lieu à l’Hôtel de Ville, au Collège ou bien encore au domicile des professeurs. Il réalise une œuvre législative considérable en promulguant la majorité des lois qui forment ce que l’on appelle la coutume de Sedan, c’est à dire l'ensemble des règles qui régissent l’administration de la ville. Il établit aussi de très nombreux règlements pour les métiers, en particulier en ce qui concerne le textile qui commence à prendre son essor dans la ville. Enfin, il poursuit la modernisation des fortifications en faisant achever l’édification, aux quatre angles du château, de bastions qui sont des casemates pourvues d’artillerie destinées à empêcher la progression d'un éventuel ennemi. Cela dit, Henri de la Tour d’Auvergne est aussi, et c’est l’autre face du personnage, un homme de complots, ce qui lui vaudra de nombreuses critiques, voire une image de traître. Il est ainsi plus ou moins mêlé à une conspiration contre Henri IV à qui pourtant il devait tant. Plus tard, après la mort de ce dernier, il soutient les princes révoltés contre la régente Marie de Médicis.



Sedan au début du XVIIe siècle, d’après Claude Chastillon (Bibliothèque municipale de Sedan)

A sa mort, en 1623, son fils aîné, Frédéric-Maurice, lui succède. Mais en 1636  ce dernier se convertit au catholicisme, tout en laissant ses sujets sedanais pratiquer le protestantisme. En 1642, compromis dans la conspiration de Cinq-mars contre Louis XIII, il doit céder Sedan au roi de France pour pouvoir sortir de prison. C’est la fin de la liberté de la principauté souveraine. Le gouverneur nommé par le roi, le maréchal Fabert, lève toutes les restrictions limitant le culte catholique mais maintient les libertés des protestants. Cependant, après la révocation de l’Édit de Nantes en 1685, beaucoup se convertissent sous la pression et  d'autres s’exilent. 

 

Rattaché désormais au Royaume de France, Sedan voit ses fortifications encore  perfectionnées et des casernes sont construites. Tout cela fait que Vauban, le grand fortificateur du règne de Louis XIV, se contente seulement de rajouter à l’ensemble la porte des Princes.



Sedan, ville-forte de Champagne, capitale d'une principauté du même nom, au roi depuis 1642, dessin de 1695 (Gallica, BNF)


Sur le plan économique, Sedan connaît aux XVIIe et XVIIIe siècles un bel essor. En 1646, Nicolas Cadeau fonde le Dijonval, une importante manufacture qui produit des étoffes fines et luxueuses, les draps de Sedan, réputés dans toute l’Europe. La ville est aussi, jusqu’à la Révolution, le siège d’un artisanat de la dentelle. Vers 1770, Sedan compte 10 000 habitants. Après un passage à vide au moment de la Révolution, la draperie sedanaise reprend son essor au XIXe siècle avec les débuts de la mécanisation initiée par deux industriels, Abraham Poupart et Guillaume Ternaux. Le Second Empire est encore une période faste avec l’arrivée du train en 1859. A ce moment la ville atteint 16 000 habitants. A partir de la fin des années 1870 Sedan se transforme profondément, notamment sous le second mandat de maire d’Auguste Philippoteaux de  1876 à 1886 (il déjà effectué un premier mandat de 1855 à 1873). On profite du déclassement après la guerre de 1870-1871 de la place-forte, devenue obsolète sur le plan militaire mais qui en occupant une centaine d’hectares étouffait la ville proprement dite qui comptait seulement 45 hectares de superficie. Le premier travail consiste à démolir les fortifications et les bastions, travail de titan où on est souvent obligé d’utiliser mines et explosifs. Cette phase de démolition dure 4 ans et se termine en 1881. C’est ensuite la construction de nouveaux quartiers, celui de la gare, celui du nouveau Torcy, celui du fond de Givonne et celui des hauteurs de Sedan. Le bastion de Bourbon est rasé pour devenir la place d’Alsace-Lorraine.


 La place d'Alsace-Lorraine au début du XXe siècle


Sur l’emplacement des anciennes fortifications de nouvelles voies sont tracées comme le boulevard Fabert, l’avenue Philippoteaux ou encore l’avenue Eugène Franquin. Des ponts sont aussi construits pour passer la Meuse, dont le pont de la gare et le pont Fabert. Enfin est mis en place un jardin botanique avec un kiosque à musique et des allées pour les promeneurs. Parallèlement à tous ces travaux d’édilité, d’imposants bâtiments publics sont édifiés, en particulier l’Hôtel des Postes et Télégraphes et le nouveau Collège.

Mais si Sedan s’est beaucoup développée, son textile entre en crise et se tourne vers des fabrications de qualité moindre. La population de la ville stagne autour de 19 000 habitants. La Première Guerre mondiale est un moment très difficile. Le 28 août 1914 les Allemands font leur entrée dans Sedan. La ville connaît alors une occupation très dure jusqu’à l’armistice de 1918. En 1918, elle ne compte plus que 9 000 habitants. La reprise d’après-guerre est lente car il faut remettre en fonctionnement les usines dont le matériel avait été envoyé en Allemagne. L'économie sedanaise subit ensuite les effets de la crise de 1930. Certes les Sedanais sont rentrés (on retrouve 19 000 habitants en 1938) mais la situation est difficile. La Seconde Guerre mondiale aggrave encore les choses. Le 13 mai 1940 c’est à Sedan que les Allemands percent le front français. Au cours des combats, un tiers de la vieille ville est détruit. Évacués au début de la guerre, les Sedanais reviennent partiellement bien que les Ardennes soient dans la zone interdite (la ville compte 9 500 habitants en 1942). L’occupation allemande dure jusqu’au 6 septembre 1944.



L’après-guerre voit la reconstruction mais aussi la poursuite des difficultés de l’industrie textile qui, entre 1945 et 1965, perd 80 % de ses établissements et 60 % de ses effectifs, avant de disparaître totalement au début des années 1990. La ville ne va retrouver son niveau de population de 1936 que vers 1960. Le maximum est ensuite atteint en 1975 avec 24 000 habitants avant une décrue continue : 21 habitants dans les années 1990, 17 000 aujourd’hui.





Le château-fort de Sedan aujourd'hui