Accéder au contenu principal

Les grands magasins

 

 

 

 

 

 

 

Les grands magasins naissent au milieu du XIXe siècle, le premier à voir le jour étant, en 1852 à Paris, le Bon Marché d’Aristide Boucicaut, celui-la même dont Émile Zola s’inspirera dans son roman « Au Bonheur des Dames ». 


Reims et les Ardennes ne sont pas en retard dans cette évolution. A Reims, en 1847, un certain Auguste-Charles Bureau prend la succession de son père qui tenait rue de l’Arbalète un magasin à l’enseigne « Des Deux Pommes d’Or ». Charles-Auguste Bureau ne tarde pas à agrandir et à réaménager son magasin dans l’esprit des grands magasins de nouveautés parisiens et il donne à son établissement le nom de Galeries Rémoises. En 1872, il s’associe avec Honoré Bataille qui possède une solide expérience des grands magasins puisqu’il a longtemps travaillé à Paris, au Bon Marché. Au début du XXe siècle, les Galeries Rémoises sont un des plus importants grands magasins de province. Dans les Ardennes, en 1865, Edmond et Arthur Jeanteur créent à Sedan le premier grand magasin du département. Puis, en octobre 1888, Arthur Jeanteur ouvre à Charleville le magasin de la Place Ducale. D’autres grands magasins vont ouvrir, comme à Reims le Grand Bazar, rue de Vesle, ou aux Sœurs de charité, rue de l’Etape. 

 

carte postale du début du XXe siècle (coll.part.).

 

L’entre-deux-guerres est une période faste pour les grands magasins, en particulier à Reims où les grands magasins détruits par les bombardement allemands sont reconstruits, en plus grand et en plus luxueux. C’est le cas des Galeries Rémoises mais aussi du magasin aux sœurs de Charité qui en absorbant un autre magasin, au Petit Paris, prend l’appellation de au Petit Paris et aux Sœurs de charité réunis avant de devenir un Monoprix en 1933. A l’emplacement du Grand Bazar de la rue de Vesle les Nouvelles Galeries de Paris ouvrent une de leurs nombreuses succursales mais la dénomme Magasins Modernes pour qu’il n’ y ait pas de confusion avec les Galeries Rémoises. Un peu plus bas dans la rue de Vesle est aussi édifié un nouveau grand magasin, à Saint Jacques. Des villes moins peuplées se dotent aussi de leur grand magasin, à l’exemple de Vouziers où ouvre en 1923 le Bazar de l’Hôtel de Ville, place Carnot.

La révolution commerciale qu’apportent les grands magasins repose sur de nombreuses innovations. Les prix sont fixes et non plus négociés comme dans les boutiques traditionnelles. Ils offrent aussi sous le même toit un assortiment d’articles très fourni comme le montre à Reims l’exemple des Magasins Modernes. Au sous-sol on trouve tout ce qui concerne l’éclairage, les articles de ménage, la quincaillerie. Au rez de chaussée, c’est le domaine de la parfumerie, de la bijouterie, des chaussures et de l’habillement, au 1er étage celui de la bonneterie, de la mercerie et des jouets. Enfin au 2e étage se trouvent les tapis et l’ameublement. Ces produits, on peut les voir et les toucher car ils sont exposés. Enfin on peut flâner dans le magasin sans être obligé d’acheter.

Les grands magasins s’adressent à une clientèle urbaine et aisée ce qui explique leur présence en centre-ville. La cible privilégiée étant les femmes, il s’agit de répondre à leurs aspirations comme l’explique en 1902 le patron des Galeries Rémoises, « le commerce moderne est devenu un art basé sur une véritable étude de la psychologie féminine ». ils cherchent aussi à attirer la clientèle par la publicité, la réclame comme on le disait à l’époque. Lors des Fêtes de fin d’année la décoration est somptueuse et de nombreux pères Noël sont recrutés pour le plus grand bonheur des enfants.

L’architecture du grand magasin est soignée car elle doit impressionner par son espace et sa luminosité. Pour ce faire, on n’hésite pas à faire appel à des architectes renommés comme à Vouziers où c’est l’architecte Hector Guignard, le créateur des entrées du métro parisien, qui édifie le Bazar de l’Hôtel de Ville dans le style Art Déco. La décoration est souvent luxueuse et joue aussi sur le modernisme. A Reims le Grand Bazar est équipé d’un ascenseur dès avant la première Guerre mondiale et, dans les années 1920, les Magasins modernes en possèdent deux qui sont manœuvrés par des liftiers en uniforme. Avec les escalators et les escaliers ils permettent bien sûr de changer d’étage mais ils ont aussi l’avantage de faire découvrir  par une vue plongeante l’ensemble des marchandises. Ce sont aussi les grands magasins qui  inaugurent les livraisons à domicile, d’abord par charrettes puis par automobiles, avec des livreurs habillés aux couleurs de l’établissement.


Affiche des années 1920 (Bibliothèque municipale de Reims).

 

Les grands magasins dominent la vente au détail jusqu’aux années 1960. Mais ensuite des difficultés apparaissent qui vont aller en s’accroissant. Avec la prospérité des Trente Glorieuses les classes populaires accèdent à la consommation de masse. Or les grands magasins avec leurs produits relativement haut de gamme sont peu adaptés à ces nouveaux clients. Leur positionnement en centre-ville devient aussi un inconvénient car l’accessibilité en voiture y est difficile. Les grands magasins subissent donc de plein fouet la concurrence des hypermarchés implantés en périphérie et qui offrent prix plus bas et parkings. Beaucoup de grands magasins ferment progressivement leurs portes. Dans certains cas les bâtiments sont repris par d’autres commerces comme à Reims le magasin Monoprix, rue de l’Etape, qui a laissé place successivement à la Clé de Sol, à Go-Sport et, récemment, à Maxi Bazar. Dans d’autres cas tout ou presque disparaît. C’est ce qui est arrivé aux Galeries Rémoises. Malgré une modernisation dans les années 1970 et une reprise par le groupe Le Printemps dans les années 1980, les déficits se sont accumulés et en 2003 c’est la liquidation judiciaire. Les bâtiments sont détruits à l’exception de quelques façades, laissant place à un ensemble où les logements dominent. A Reims il ne demeure aujourd’hui que les anciens Magasins Modernes passés sous le giron des Galeries Lafayette. Mais leur situation est fragile car ce groupe vient de les vendre à une société foncière. Seuls les magasins Jeanteur à Charleville demeurent au sein de la famille qui les a fondés, cas unique dans la région et, semble-t-il, en France.













Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

La draperie sedanaise

Une activité textile fondée sur la laine cardée existe déjà à Sedan au XVIe siècle mais son importance est bien médiocre. il faut attendre le rattachement de la principauté au royaume de France en 1642 pour que débute véritablement l’industrie textile sedanaise, toujours spécialisée dans la laine cardée. En juin 1646, un arrêt du Conseil d’État accorde à un marchand parisien, Nicolas Cadeau, le privilège de fabriquer " certains draps noirs et de toute autre couleur, façon à la manière de Hollande ". Il s’agit de draps de luxe, en laine fine, très prisés à la cour du roi, dans le clergé et la magistrature, et que la France achetait jusque-là aux Pays-Bas ou en Espagne. Il faut dire qu’à l’époque domine la théorie mercantiliste, dont le plus célèbre représentant en France est le rémois Jean-Baptiste Colbert, qui estime que, la puissance d’un État se mesurant à sa richesse monétaire, il faut éviter le plus possible d’importer des produits étrangers comme l’explique alors ...

Printemps 1806, l’élite rémoise s’initie à la mnémonique.

  Le début du XIXe siècle connaît un véritable engouement pour les techniques de mémorisation, ces mnémotechnies (ou mnémotechniques) que le Grand Larousse du XIXe siècle définit comme l’art de faciliter par des moyens artificiels les opérations de la mémoire. Reims ne fait pas exception à cet engouement comme le montre le succès du cours donné au printemps 1806 par un certain François Guivard, "professeur et unique délégué de M. de Feinaigle, inventeur de la nouvelle méthode de mnémonique ou l’art d’aider et de fixer la mémoire dans tous les genres d’études et de sciences".   ( Archives municipales et communautaires de Reims, cours de mnémonique de François Guivard).    Grégoire de Fainaigle  Grégoire de Feinaigle est l'un des auteurs de mnémotechnies les plus célèbres du début du XIXe siècle. Né en 1760 en Allemagne dans le pays de Bade, il est d’abord moine au monastère cistercien de Salem, au bord du lac de Constance. En 1803, il quitte...

Deux musiciens rémo-ardennais, Nicolas de Grigny et Etienne-Nicolas Méhul.

  Nicolas de Grigny naît le 8 septembre 1672 à Reims dans une famille de musiciens qui tiennent les orgues de plusieurs églises rémoises. De toute la famille, Nicolas est de loin le plus brillant. Il parfait sa formation à Paris où il est l’élève de Nicolas Lebègue, un des organistes du roi. Il tient aussi, de 1693 à 1695, les orgues de l’église abbatiale de Saint-Denis. Nicolas de Grigny regagne Reims en 1697 comme titulaire de l’orgue de la cathédrale. Deux ans plus tard il fait paraître une œuvre majeure, son livre d’orgue , qui contient une messe et plusieurs hymnes. Malheureusement, celui qui est à l’aube d’une carrière considérable meurt prématurément à Reims le 30 novembre 1703 à seulement 31 ans, laissant derrière lui une veuve et sept enfants. Après lui, l’orgue français va délciner alors que se développe l’école allemande dont le plus célèbre représentant, Jean-Sébastien Bach, admirait Nicolas de Grigny. Il avait ainsi intégralement recopié ...

L’enseignement secondaire des garçons à Charleville au XIXe siècle.

  Le 1 er septembre 1803 un collège communal public (mais payant) ouvre à Charleville. Cette ouverture est permise par la loi du 11 floréal an X (1er mai 1802) voulue par Napoléon Bonaparte, alors premier Consul, et qui réorganise l'enseignement public après l'épisode de la Révolution. En ce qui concerne l'enseignement secondaire sa principale mesure est  la création des lycées, financés par l’État. Mais la  loi ajoute aussi que les communes peuvent établir à leurs frais des "écoles secondaires où seront enseignées les langues latine et française, les premiers principes de la géographie, de l'histoire et des mathématiques". Par la suite, ces écoles secondaires vont prendre le nom de collèges communaux, puis de collèges tout court. Dirigé par l’abbé Delvincourt, le collège communal de Charleville s’installe dans une partie des bâtiments d’un ancien couvent, le couvent du Saint Sépulcre. Il ne faut pas s'étonner de la présence d'u...

Deux papes liés à Reims, Sylvestre II et Urbain II

   Deux papes du Moyen-Age posèdent des liens avec Reims : Sylvestre II, le pape de l'An mil, et Urbain II, le pape de la première croisade. Entre les deux existe d'ailleurs une sorte de chassé-croisé puisque Sylvestre II qui n'est pas né dans notre région a vécu à Reims plus de deux décennie alors qu'Urbain II qui est né près de Reims, ville où il a aussi reçu sa formation de clerc, va ensuite quitter notre région. Sylvestre II     Gravure représentant Sylvestre II (Bibliothèque municipale de Reims).   Gerbert d’Aurillac, le futur Sylvestre II, naît vers 950 dans une famille modeste, originaire du Limousin, sans qu’on en sache plus sur le lieu exact de sa naissance . Alors qu’il a une dizaine d’années, Il est confié au monastère de Saint-Géraud, à Aurillac. I l se distingue rapidement par ses capacités intellectuelles, ce qui fait que le supérieur du monastère, lors d’une visite du comte de Barcelone, convainc ce dernier d’emmener le jeune Gerbert avec lui en...

Le rémois Fernand Labori, un des défenseurs du capitaine Dreyfus.

    Portrait de Fernand Labori (Bibliothèques de Reims). Fernand Labori naît à Reims le 18 avril 1860. Son père, inspecteur de la Compagnie des Chemins de fer de l'Est, aurait souhaité que son fils, après ses études secondaires au lycée de garçons de Reims , devienne négociant en champagne. Mais ce n’est pas du tout la vocation du jeune Labori qui , lui, entend devenir avocat. Finalement Fernand Labori obtient gain de cause et part à Paris faire son droit. Il devient avocat en 1884. Il accède à la notoriété en 1894 en étant commis d’office pour assurer la défense de l’anarchiste Auguste Vaillant qui, le 9 décembre 1893, avait jeté une bombe à la Chambre des députés, faisant plusieurs blessés. Malgré la plaidoirie de Fernand Labori, Auguste Vaillant est condamné à mort et guillotiné.     L'attentat du 9 décembre 1893 à la Chambre des députés (Musée Carnavalet).   Mais c’est surtout...

Du roman feuilleton aux séries télévisées.

  Le roman-feuilleton est un roman publié d'abord sous forme d’épisodes dans un journal. Le premier roman-feuilleton est la La Vieille Fille d’Honoré de Balzac qui paraît dans le quotidien La Presse  durant les mois d’octobre et de novembre 1836. Au départ, ce type de publication est pensé comme une première présentation de l’œuvre avant sa parution en volume, ce qui sous-entend que le livre est déjà entièrement écrit quand on commence à le publier en épisodes. Par la suite, les auteurs développent une écriture spécifique pour les romans-feuilletons où tout n’est pas programmé à l’avance, des péripéties étant rajoutées au fur et à mesure afin de conserver l’attention des lecteurs. Certains auteurs le font même au fil de la plume sans vraiment avoir fixé ce qui va suivre. Le public prend vite goût à ce mode de publication et les romans-feuilletons vont rapidement contribuer à augmenter le tirage des  journaux, faisant ainsi baisser leur prix de vente .    L...

Un Ardennais à l'origine de la Sorbonne

  "Vénérable et scientifique, Messire Robert de Sorbon", estampe du XVIIe siècle (Gallica-BNF). Robert de Sorbon naît le 19 octobre 1201 à Sorbon, petit village ardennais situé près de Rethel. Il est fils de « vilain », c’est-à-dire de paysan dans le langage de l’époque. Jeune homme doué il s’oriente vers le clergé, qui est quasiment la seule voie de promotion à l’époque pour les enfants tels que lui. Il semble qu’il ait fait ses études primaires dans une école monastique à Rethel puis, ensuite, à Reims. Arrivé à Paris, sans doute en 1215, il suit les cours de l’Université, de création toute récente. En effet, longtemps Paris n’a disposé que d’une école cathédrale où étaient enseignés le latin, la logique et l’Écriture  sainte. Mais cette école n’était en rien plus réputée que celles d’autres villes comme Orléans, Chartres, Laon ou Reims. Cette situation change après 1150. De nouvelles écoles sont fondées ...

Les débuts de la papauté

Dès le départ, l’ évêque de Rome occupe une place à part dans la chrétienté.  Rome est en effet la capitale de l’empire romain mais, surtout, le lieu du martyre des saints apôtres Pierre et Paul. Pierre venu à Rome au milieu du 1 er siècle y a été martyrisé au temps de Néron, probablement vers 69. De même, Paul y a été condamné à mort et exécuté entre 58 et 68. Autour de la tombe de Pierre et, dans une moindre mesure de celle de Paul, se développe un culte, d’abord clandestin puis au grand jour quand l’empereur Constantin fait du christianisme la religion officielle de l’empire romain.  Constantin donne à l'évêque de Rome le domaine du Latran qui se situe à l'époque hors des murailles de la ville. L'empereur y fait bâtir la Basilique Saint-Jean-de-Latran pour servir de cathédrale à l'évêque et un palais adjacent pour sa résidence ( ce n’est qu’à la fin du Moyen-Age que le pape s’installe définitivement au Vatican). Pour abriter les reliques des deux martyrs, l...

Les Ardennes occupées (1914-1918).

    Durant la première Guerre mondiale dix départements français sont occupés par les Allemands. Neuf (dont la Marne) le sont partiellement mais un, les Ardennes, l’est dans sa totalité. Cette situation spécifique des Ardennes se maintient d’ailleurs jusqu’à la fin du conflit puisque Rethel n’est libéré que le 6 novembre 1918, Charleville le 9 et Sedan le 10. Les populations de ces départements, et au premier chef les Ardennais, vivent ainsi une guerre très différente de celle vécue par les autres Français.   Tout d’abord les Ardennais, comme tous les habitants des zones occupées par les Allemands, sont coupés de toute information venant de France. Toute correspondance avec la France est interdite. Les Allemands interdisent les appareils téléphoniques et imposent aux propriétaires de pigeons voyageurs de les tuer. La presse française est interdite. Du coup les habitants du département ignorent tout du déroulement des opérations militaires et les famill...