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Reims au haut Moyen-Age


 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Le Moyen-Age dure environ de 500 à 1500 après Jésus-Christ, soit quasiment durant mille ans. Le haut Moyen Age, du Ve siècle à l’an mil, constitue le premier temps de cette très longue période.

Au début du haut Moyen-Age la ville de Reims, comme les autres villes de Gaule, connaît une crise profonde et perd de son importance par rapport à la période gallo-romaine. Mais il n’en reste pas moins qu’elle demeure une des villes les plus prestigieuses de cette période, en grande partie à cause de sa fonction religieuse.

Au point de départ, on trouve le baptême du roi des Francs, Clovis, par l’évêque de Reims, Remi. Selon la tradition, ce dernier serait né près de Laon entre 437 et 439 dans une famille appartenant à l’aristocratie gallo-romaine. Le jeune Remi fait ses études à Reims où il acquiert la formation spirituelle et intellectuelle nécessaire à la fonction épiscopale, à laquelle il est élu vers 460. Il a alors une vingtaine d’années, ce qui même pour l’époque est très jeune pour devenir évêque. Sur le plan politique, la réalité du pouvoir est détenue dans notre région par le roi franc Childéric, avec l’accord des autorités romaines. En 481, Childéric meurt et son fils Clovis lui succède comme nouveau roi des Francs. Remi poursuit avec Clovis les liens déjà établis avec son père. Ces relations étroites vont déboucher sur la conversion au christianisme de Clovis et le fameux baptême de Reims que l’on a longtemps daté de la Noël 496 mais qui a probablement eu lieu un peu plus tard, en 507 ou en 508. La conversion de Clovis a certes des raisons politiques, entre autres le souci de se rapprocher des élites gallo-romaines, mais elle est aussi la décision personnelle d’un homme qui a déjà des sympathies pour le christianisme sous l’influence de son épouse Clotilde et de l’évêque Remi. Si la tradition rapporte que 3 000 guerriers francs auraient été baptisés en même temps que lui, Clovis n’a pas dans la réalité imposé brutalement la conversion au peuple franc. Celle-ci a été progressive et s’est étalée sur plusieurs générations.

L’épiscopat de Remi ne se réduit pas à l’épisode du baptême de Clovis. L’évêque a développé l’évangélisation de son diocèse, en particulier dans les zones rurales. A Reims même, il met en place des institutions charitables, en particulier un lieu d’accueil pour les malades qui est l’ancêtre de l’« Hôtel-Dieu » du Moyen-Age.

En tant qu’évêque métropolitain ayant autorité sur la province de Belgique seconde Remi se préoccupe d’en restaurer le fonctionnement. En effet, les troubles qui ont marqué l’effondrement de l’Empire romain d’Occident en 476 et la lutte pour le pouvoir ont eu de graves conséquences pour l’Église. Alors que la plupart des villes de Belgique seconde avaient un évêque au IVe siècle, ce n’est plus le cas lors de l’arrivée de Remi sur le siège de Reims. Remi s’efforce donc de remettre en place des évêques titulaires, en particulier à Amiens, Beauvais, Soissons, Laon, Saint-Quentin et Arras.

Remi meurt le 13 janvier 532 (ou 533) à l’âge de 96 ou 97 ans, après un épiscopat de plus de 70 ans. Il devient le saint patron du diocèse de Reims à partir de l’élévation de ses reliques, rite qui a valeur de canonisation et qui a lieu vers 560. Saint Remi repose aujourd’hui dans la basilique qui porte son nom et que les moines bénédictins ont édifiée aux XIe et XIIe siècles.

C’est Hincmar qui va conforter la place éminente de Reims. Né vers 806, il est éduqué au monastère de Saint-Denis. Il sert ensuite à la cour de Louis le Pieux, puis à celle de son fils Charles le Chauve. Grâce au soutien de ce dernier, il est élu archevêque de Reims en 845. Hincmar est une personnalité de grande envergure qui a eu un rôle non seulement au niveau du diocèse de Reims mais aussi dans la vie politique et religieuse de son temps.

Quand Hincmar devient archevêque de Reims le diocèse est largement désorganisé suite à une série de crises et de querelles. Il entreprend donc une profonde réorganisation avec le souci constant d’améliorer la qualité du clergé et d’éclairer les fidèles sur leurs devoirs. Il consacre aussi une grande activité au domaine du droit canon et rassemble peu à peu à Reims la plus belle bibliothèque de son temps.

Mais Hincmar est aussi un proche du pouvoir politique carolingien. Présent à la cour de Charles le Chauve, il soutient de manière décisive ce dernier en 858 lors de son conflit avec son frère Louis le Germanique. Cet épisode lui vaut de devenir un des conseillers du roi. Cela dit, son rôle auprès de Charles le Chauve est plus limité qu’on ne le dit souvent. En effet, si Hincmar joue un rôle décisif pour faire admettre l’idée d’une royauté sacrée par Dieu, il ne conçoit cependant cette légitimité royale que sous la condition d’une bonne conduite du souverain. Or Charles le Chauve, soucieux de ses propres intérêts, n’est pas toujours porté à obéir aux injonctions d’un Hincmar qu’il souhaiterait plus malléable et complaisant. L’archevêque de Reims continue à jouer un rôle auprès de Louis le Bègue, qui succède à Charles le Chauve, et qu’il sacre à Compiègne en 877.

A Reims, Hincmar développe le culte de Saint-Remi dont il écrit la vie. En étant le premier à entretenir la confusion entre le baptême de Clovis et le sacre royal il fournira à ses successeurs l’argumentaire pour faire de Reims la ville des sacres. A l’automne 882, alors qu’une incursion des Normands menace Reims, Hincmar, âgé de 76 ans, doit quitter la ville pour Epernay où il meurt d’épuisement deux jours avant Noël. Hincmar est un homme qu’une longévité exceptionnelle pour l’époque a rendu témoin de l’apogée du monde carolingien ainsi que de son déclin. Il a aussi renforcé le rôle de Reims comme centre intellectuel et spirituel. De 991 à 997, le siège épiscopal de Reims est détenu par Gerbert d’Aurillac, un des esprits les plus brillants de son époque et qui est élu pape en 999 sous le nom de Sylvestre II.


A la veille de l’an mil Reims est formée de deux noyaux urbains. Il y a d’abord autour de cathédrale la cité épiscopale qui est toujours entourée par le rempart de la fin de la période gallo-romaine même si celui est en partie démantelé. Ensuite, en dehors de cette muraille, on trouve le bourg de Saint-Remi autour de son église abbatiale.

 

 

 par CAMPES

 Saint Remi et Clovis (tapisserie de la première moitié du XVIe siècle, musée Saint-Remi, Reims)
















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