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Université et Collèges







Reims finit par avoir son université en 1548 mais la ville est bien en retard car à cette date le royaume de France compte déjà 14 universités, dont certaines situées dans des villes beaucoup moins peuplées, comme Bourges ou Cahors. Celui qui est à l’origine de cette fondation est l’archevêque Charles de Lorraine qui appartient à la puissante famille des Guise. Pour lui l’université doit servir au prestige de Reims mais aussi  renforcer le catholicisme face aux protestants.


La première faculté à ouvrir est la Faculté des Arts que l’Archevêque installe dans le vieux collège des Bons-Enfants qu’il a doté de nouveaux bâtiments  rue Saint Antoine, rue qui prendra par la suite le nom de rue de l'Université qu’elle a toujours. Ouvrent ensuite les facultés supérieures, Théologie, Droit et Médecine. Nous ne connaissons pas avec précision le nombre d’étudiants mais il ne doit pas être très élevé, de l’ordre de quelques dizaines. La majorité d’entre eux est originaire de Reims et des Ardennes. A la fin du XVIe siècle l’université de Reims accueille aussi quelques étudiants anglais catholiques qui fuient les persécutions organisées par la reine Elizabeth 1ère. Les cours ont lieu le matin et l’après-midi. Il y a congé le jeudi et les vacances annuelles vont du début septembre à la mi-octobre. En classe parler français est interdit, seuls doivent être utilisés le latin et le grec. Il est aussi absolument défendu d’accueillir dans les bâtiments « des musiciens, saltimbanques, et toutes gens capables de distraire des études ». l'Université de Reims, cependant, est d'un niveau assez médiocre. Sous la Révolution, en 1793, un décret de la Convention supprime toutes les universités existantes, celle de Reims ne faisant pas exception.


Si au Moyen-Age les collèges ne sont que de simples pensions pour étudiants pauvres à partir de la Renaissance ils deviennent de véritables lieux d’enseignement où apparaissent des nouveautés appelées à durer. C’est, en effet, là que se met en place l'organisation en classes successives, chacune ayant son propre programme. Certes, les appellations diffèrent des nôtres mais les correspondances sont réelles : les quatre classes de grammaire correspondent à nos 6e, 5e, 4e, 3e, la classe d’humanités à notre 2e, celle de rhétorique à notre 1ère et celle de philosophie à notre terminale. Par contre ce que l’on y enseigne est très différent d’aujourd’hui puisque, à l’époque, l’enseignement est fondé presque entièrement sur les humanités classiques. Ce sont les collèges qui introduisent aussi l’émulation entre les élèves avec les classements et les prix. Les collèges d’Ancien Régime sont donc un peu les ancêtres de notre enseignement secondaire avec, cependant, deux différences fondamentales. La première est qu’ils s’adressent à une élite sociale et non pas à tous comme aujourd’hui. Ils sont fréquentés par les enfants de la noblesse et de la riche bourgeoisie, même si dans les petites villes de province on y trouve des enfants de la moyenne bourgeoisie. La seconde est que les collèges ne s’adressent qu’aux garçons, les filles des catégories aisées étant éduquées à la maison ou dans des pensionnats tenus par des religieuses, notamment les Ursulines ou les Visitandines. Dans ces pensionnats de filles le niveau d’étude est faible. A l’époque on ne veut pas de femmes savantes mais seulement de bonnes épouses et de bonnes mères de famille.


Les collèges d’Ancien Régime ont des statuts différents. Certains sont rattachés à une université, comme à Reims le collège des Bons Enfants qui est englobé dans la Faculté des Arts de l’Université de Reims.


source : Cauly, E, Histoire du collège des Bons-Enfants de l'Université de Reims, depuis ses origines jusqu'à ses récentes transformations, Reims, L. Monce, 1913, 592 p. (en ligne sur Google Books). 

 

 

 

Extrait du plan de Reims de 1665 (Archives municipales et communautaires de Reims).

 

 

 Gravure représentant le collège sous la Restauration (Bibliothèque municipale de Reims). Les bâtiments de l’ancien collège des Bons enfants ont été réutilisés tels quels pour y installer sous le Consulat le lycée de garçons de Reims, appelé collège royal sous la Restauration.


Mais il existe aussi des collèges gérés par des ordres religieux, notamment les Jésuites ou les Oratoriens. A Reims, les Jésuites achètent en 1608 un hôtel particulier dans le quartier Saint Maurice et, de 1620 à1678, ils font construire les superbes bâtiments et l’église qui existent encore.


Extrait du plan de Reims de 1665 (Archives municipales et communautaires de Reims).

 

Les bâtiments aujourd’hui.

Dans un premier temps, le succès rapide du collège des Jésuites qui compte en 1629 presque 1 000 élèves, encadrés par 31 Jésuites, fait de l’ombre au vieux collège des Bons-Enfants dont la réputation est au plus bas, ses élèves fréquentant davantage les cabarets que les salles de cours. Mais le Conseil de Ville, l’Université et le clergé séculier rémois, d’esprit gallican, sont très hostiles aux Jésuites. Ils vont réformer le collège des Bons Enfants, ce qui amène beaucoup de notables rémois à y envoyer désormais leurs enfants plutôt que chez les Jésuites. Vers 1700, Le collège des Bons Enfants compte plus de 400 élèves alors que celui des Jésuites, lui, n’en a plus qu’une centaine. 


Les Ardennes vont avoir deux collèges jésuites. Le premier, à Charleville, compte 266 élèves en 1629, mais par la suite ses effectifs diminuent et ne dépassent plus guère une centaine d’élèves. Le second, à Sedan, possède une histoire particulière. La ville est à la fin du XVIe siècle une principauté indépendante dont les souverains se sont convertis au protestantisme. Un collège protestant y est créé en 1576, prolongé en 1602 par une Académie, sorte de petite université qui forme surtout  des pasteurs. Mais, en 1642, le prince souverain de Sedan, compromis dans une conspiration contre Richelieu, doit céder sa principauté à la France. Dès lors, la situation des protestants se dégrade. C'est dans ce contexte qu'en 1663 un collège catholique, confié aux Jésuites, est ouvert. Il compte une centaine d’élèves vers 1700. Quant à l’Académie protestante, elle est fermée en 1681 et le protestantisme totalement interdit à Sedan en 1685.


Les fluctuations des effectifs de ces collèges ont des causes essentiellement financières. En période de guerre ou de crise économique, beaucoup de parents ne peuvent plus payer le collège et en retirent leurs enfants. Il y a aussi des abandons en cours de scolarité dus à des revers de fortune individuels. Un exemple nous en est donné par Jean-Baptiste Colbert. Le futur ministre de Louis XIV, né à Reims en 1619, entre au collège jésuite de la ville. Mais son père connaissant des embarras financiers, le jeune Jean-Baptiste doit quitter son collège en 1634.

L'expulsion des Jésuites en 1764 entraîne la fermeture de leur collège rémois dont les bâtiments deviennent un hôpital. Le collège des Bons-Enfants reste donc sans concurrent jusqu'à sa fermeture au début de la Révolution. Les collèges de Charleville et de Sedan continuent, eux, de fonctionner en remplaçant les Jésuites par des prêtres séculiers. 

A côté de ces « grands » collèges il existe quelques collèges « incomplets », aux effectifs très peu fournis et qui ne proposent que les classes de grammaire (un peu comme les collèges d’enseignement général des années 1960 qui s’arrêtaient en fin de 3e). C'est le cas  du collège des Dominicains de Revin ou de celui des Récollets à Mouzon.



























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