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Les ardoisières des Ardennes

 

 

 

 

 

Si l’architecture traditionnelle ardennaise utilise beaucoup l’ardoise, cela est dû à la présence de ce matériau dans le sous-sol de la partie nord du département, de Rimogne à Haybes, en passant par Deville, Monthermé et Fumay. On trouve là des terrains argileux datant de l’ère primaire qui ont été ensuite très fortement comprimés pour donner naissance à des veines ardoisières, c’est à dire des blocs de schiste de grande qualité, aptes à être employés comme matériau de couverture.


Dans les Ardennes, l’ardoise est utilisée dès l’époque gallo- romaine et le Moyen-âge, mais l’apogée des ardoisières ardennaises se situe à la fin du XIXe siècle et au début du XXe. Le travail dans l’ardoisière, comme dans les mines, se divise entre activités de fond et activités de surface. Pour extraire l’ardoise, ceux que l’on appelle les craboteurs doivent d’abord creuser une galerie qui descend à 100 ou 200 mètres de profondeur et suit l’inclinaison de la veine de schiste. Ensuite, les coupeurs délimitent les blocs d’ardoise pour que les mineurs puissent les abattre. Ces derniers forent des trous dans lesquels ils insèrent de la poudre ou de la dynamite. Puis ils font sauter les blocs qui se détachent alors dans un fracas énorme. C’est un moment très dangereux car les ouvriers peuvent se faire écraser ou blesser par des fragments d’ardoise tranchants. Les blocs tombés à terre sont débités en dalles de 40 à 80 kilos qui sont ensuite transportées à dos d’hommes jusqu’aux wagonnets qui les remonteront. Le travail est très pénible et nocif pour la santé car les ouvriers qui respirent les poussières de schiste sont souvent atteints d’une variante de la silicose.


Ardoisière Saint Joseph à Fumay, débit d'un bloc d'ardoise au début du XXe siècle (Archives départementales des Ardennes)



Ardoisière de Rimogne, wagonnet chargé d'ardoises, début du XXe siècle (Archives départementales des Ardennes)


En surface il faut découper les ardoises. Le premier travail est celui du fendeur qui, à l’aide d’un long ciseau, fend la dalle de schiste qu’il tient verticalement entre ses pieds. Il découpe ainsi des feuillets qu’il dédouble ensuite jusqu’à l’épaisseur voulue. Les fendeurs découpent entre 1000 et 1200 ardoises par jour. Ces feuillets sont ensuite passés aux découpeurs qui taillent les ardoises à la forme voulue.


La découpe des ardoises, début du XXe siècle (Archives départementales des Ardennes)


Au début du XXe siècle Il existe à Fumay cinq ardoisières qui emploient 600 personnes au total. A Haybes, ou à Rimogne on est dans les mêmes ordres de grandeur. 

 

 
En fait, cette ardoisière était située sur la commune de Harcy, tout à côté de Rimogne. Quatre sites ardoisiers y existaient dont celui de "risque-tout" exploité entre 1903 et 1908 par une coopérative ouvrière (Archives départementales des Ardennes).

 

La Première Guerre mondiale stoppe net la production. Bien que cette dernière reparte avec la reconstruction d’après-guerre, les ardoisières des Ardennes entrent tout de même dans une spirale de déclin, et cela malgré la mise en place d'améliorations comme l’éclairage électrique ou les marteaux-piqueurs à air comprimé. Mais le métier attire de moins en moins. En outre, il existe une forte concurrence d’ardoises étrangères moins chères et on utilise de plus en plus de nouveaux matériaux de couverture. Les ardoisières disparaissent les unes après les autres, les dernières fermant en 1971.

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