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De Reims à Givet par le train à la fin du XIXe siècle

 

 

 

 

 

 

Cet article s'appuie sur les renseignements fournis par un guide Joanne de 1885, conservé à la Bibliothèque Carnegie de Reims. Les cartes postales, quant à elles, datent toutes de la Belle Époque. 

 

 

Les guides Joanne sont des guides publiés à partir des années 1860 par les éditions Hachette. Liés au développement du chemin de fer, ils donnent des renseignements pratiques sur les itinéraires mais aussi des indications sur les curiosités artistiques, les ressources naturelles et les activités économiques. En 1919 ils prendront le nom de guides bleus en référence à la couleur de leur couverture.


La ligne de chemin de fer dont il est question ici est un axe ferroviaire qui a été construit sous le Second-Empire en continuité de la ligne Paris-Soissons. La ligne, édifiée entre 1858 et 1862, conduit de Soissons à Givet via Reims, Rethel, Charleville-Mézières et la vallée de la Meuse. En 1863, elle est prolongée jusqu’à la frontière belge où elle se raccorde à la ligne qui vient de Namur. Elle est exploitée par la Compagnie des chemins de fer de l’Est.

 


Une locomotive du réseau des Chemins de fer de l'Est stationnant au dépôt de Mohon (coll.part).


 

L'arrivée du premier train du matin à Charleville (coll.part).

A cette époque, les wagons, selon leur confort, sont répartis en trois classe, 1ère, 2e (wagon de droite), 3e (wagon de gauche).
 

Au-delà de Rethel le tracé de la ligne est assez tortueux et ponctué de plusieurs ouvrages d’art dont 6 tunnels.

 


Le tunnel de Givet (coll.part).


Au sortir de Reims la première localité évoquée par le guide est le bourg de Bazancourt. 

 


La gare de Bazancourt (Archives départementales de la Marne).

 

Comptant 1300 habitants et située sur la Suippe, Bazancourt abrite de nombreuses usines, essentiellement des filatures de laine peignée ou cardée. 

La première localité ardennaise mentionnée est le Chatelet-sur-Retourne (370 habitants). Le guide précise que de la craie blanche y est extraite pour fabriquer des moellons destinés à la construction. Puis vient Rethel qui compte alors 7 400 habitants. Le guide mentionne que "cette ville autrefois fortifiée se compose de rues presque toutes étroites et montueuses. C’est un centre considérable d’industries pour les tissus, flanelles et mérinos, qui emploie 1200 ouvriers. Il y a aussi des ateliers de construction d’instruments agricoles et de machines de toute espèce".

 


 La gare de Rethel (coll.part).

 

Le train parcourt ensuite la région accidentée des Quatre Vallées, connue, note le guide, pour l’abondance et la qualité de ses fruits. Après  Saulces-Montclin, on passe dans la vallée de la rivière Vence. Le paysage change d’aspect puisque les forêts de l’Ardenne commencent à succéder aux riches vergers des quatre Vallées. La Vence fournit de la force hydraulique à de nombreux établissements industriels et elle est aussi utilisée pour le lavage du minerai de fer du gisement de Poix-Terron, ce qui donne à ses eaux une couleur jaunâtre.

 


 La gare de Poix-Terron (coll.part).


Mohon, 2800 habitants, située au confluent de la Vence et de la Meuse, se distingue par les vastes ateliers de réparation que la Compagnie des chemins de fer de l’Est y a installés pour tout le matériel de la ligne des Ardennes.

 

Ateliers et rotondes du Chemin de fer de l'Est à Mohon (coll.part).


On trouve aussi dans la ville des forges, des clouteries, une fonderie de cloches, des scieries à vapeur, des brasseries et un moulin à  douze paires de meules. A l’époque Mohon est une commune de plein exercice.

Après avoir passé la Meuse sur un pont métallique, le train arrive à la gare qui est commune à Mézières et à Charleville qui sont cependant deux communes distinctes. 

 

Gare de Mézières-Charleville (Coll.part).

 

Le guide évoque le contraste entre les deux cités. Charleville est une cité ouverte et commerçante aux rues larges et régulières alors que Mézières est une ville militaire aux rues étroites et tortueuses. En outre, bien que préfecture, Mézières est avec 6 000 habitants nettement moins peuplée que Charleville qui en compte 16 000.

De Charleville à Givet le chemin de fer suit la vallée encaissée de la Meuse. Il passe d’abord à Nouzon. Il s’agit de l’actuelle Nouzonville, la ville ayant été renommée dans les années 1920 pour faire cesser les fréquentes confusions avec Mouzon, elle aussi dans les Ardennes. 

 


 La gare de Nouzon (coll.part).

 

La cité compte alors 7 000 habitants et doit sa prospérité au développement de l’industrie métallurgique.

"A partir de Nouzon, peut-on lire dans le guide, la vallée de la Meuse offre un paysage magnifique, le plus remarquable de tous ceux que présente le parcours de la ligne des Ardennes. Cette région est animée sur tout le parcours du chemin de fer par de nombreuses usines et par des villages industrieux".

C'est d'abord Monthermé, 3 400 habitants, "si bien encaissée entre des pentes abruptes que pendant une grande partie du jour les rayons de soleil n’y pénètrent point". La ville doit son importance à l’industrie du fer (fonderies, fabriques d’appareils de chauffage) mais aussi à ses ardoisières.

 

La gare de Monthermé (coll.part).

 

Un peu plus loin, Revin et ses 4 100 habitants est aussi une ville industrielle puisque on y trouve de nombreuses fonderies et clouteries.

 

La gare de Revin (coll.part).

 

A Fumay, ville de 5 200 habitants, ce sont les ardoisières qui dominent. Avec celles de la voisine Haybes, elles emploient 1 200 ouvriers et fabriquent plus de 100 millions d’ardoises par an.

 

La gare de Fumay (Archives départementales des Ardennes)

 

C’est à Givet, cité de 7 000 habitants, que le chemin de fer des Ardennes se soude au réseau belge. 

 

L'arrivée à la gare de Givet d'un train venant de Belgique (Archives départementales des Ardennes).

 

Le guide relève l’importance militaire de la ville. De fait Givet a toujours eu un rôle stratégique important, ce qui explique la modernisation constante de ses fortifications comme le montre l’exemple du fort de Charlemont édifié au XVIe siècle puis modernisé à la fin du XVIIe par Vauban et de nouveau à la fin du XIXe dans le cadre du système Séré de Rivières. 

 

 vue générale de Givet (coll.part).

Le guide énumère aussi quelques industries caractéristiques de Givet : fabriques de pipes comme la maison Gambier et son fameux modèle Jacob, fabriques de crayons à la mine de plomb, comme la société Gilbert, entreprises de dinanderie (objets en cuivre, l'origine du nom venant de la ville belge de Dinant).

 



Militaire français avec sa pipe Jacob (coll.part).
 




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