Nature présentant à Guillaume de Machaut Sens, Rhétorique et Musique (miniature du XIVe siècle).
Guillaume de Machaut représente une figure majeure du XIVe siècle dans les domaines de la poésie et de la musique. On ne connaît pas grand-chose de ses débuts sinon qu’il est probablement issu d'une famille roturière de Machaut, petit village des Ardennes, qu’il serait né vers 1300 et aurait reçu une formation de clerc d'abord à Reims, puis à Paris. Guillaume de Machaut est un de ces lettrés que les princes de l’époque aiment entretenir dans leur entourage. Il est en particulier, pendant 23 ans, au service de Jean de Luxembourg, roi de Bohême, auprès duquel il est attaché comme secrétaire mais qu’il accompagne aussi dans ses expéditions militaires dans l’Est de l’Europe, en Allemagne et en Italie.
Fils de l’Empereur germanique Henri VII, Jean de Luxembourg naît en 1296. En 1310, à l’âge de 14 ans, il devient roi de Bohème par son mariage avec l’héritière du trône. Le surnom de Jean l’Aveugle lui est donné quand, en 1339, il perd totalement la vue. Guillaume de Machaut va contribuer, par ses œuvres poétiques, à la gloire du souverain en en faisant l’archétype du roi idéal. Le roi idéal est d’abord un souverain courageux au combat. Or Jean de Luxembourg apparaît comme un des chevaliers les plus célèbres de son temps. Et sa célébrité est encore rehaussée par sa mort héroïque à la bataille de Crécy, le 26 août 1346, où, bien qu’aveugle, il charge sur un cheval lié par la bride à ceux de quatre chevaliers de son entourage, lesquels ne pourront cependant pas empêcher qu'il soit désarçonné.
La mort de Jean Ier de Luxembourg, miniature extraite des Anciennes Chroniques d'Angleterre de Jean de Wavrin, manuscrit du XVe siècle (Bibliothèque Nationale de France).
Le roi idéal est ensuite un roi modèle de sagesse. C’est cette qualité de Jean de Luxembourg que loue Guillaume de Machaut dans son poème intitulé Le jugement du roi de Bohême. Il est enfin un roi chrétien qui luttant contre les Infidèles, ce que fait Jean de Luxembourg, non pas contre les Musulmans car les croisades sont finies, mais contre les Lituaniens, alors majoritairement païens. Cependant la vision que présente Guillaume de Machaut du roi idéal reste largement féodale et correspond à un monde en train de disparaître sous les coups de boutoir des malheurs du temps. La peste noire qui a tué près du tiers de la population européenne a mis fin à l’optimisme du beau Moyen-Age, celui de l’Ange au sourire de Reims, et a ouvert une période d’angoisse. Les débuts de la guerre de Cent Ans avec le désastre de Crécy et un peu plus tard celui de Poitiers ont sonné le glas de la chevalerie française.
Après la mort de son protecteur, Guillaume de Machaut poursuit sa carrière auprès des puissants en entrant d’abord au service de la fille de Jean de Luxembourg, Bonne de Luxembourg, puis à celui du roi de Navarre, Charles le Mauvais, et enfin à celui du roi de France, Charles V.
Cette proximité avec les puissants lui vaut d'accumuler les pensions et les charges. En avril 1340, grâce à l’intervention de Jean l’Aveugle, il reçoit la charge de chanoine de la cathédrale de Reims mais il semble que ce ne soit qu’à partir de 1355 qu’il y réside définitivement, dans sa belle maison de la rue de la Pourcelle, actuelle rue d’Anjou, à proximité de la cathédrale. C’est là qu’il écrit l’essentiel de son œuvre poétique et musicale. Il décède en 1377 et il est enterré dans la cathédrale de Reims.
Guillaume de Machaut n’est pas seulement un poète de cours célébrant les exploits des puissants mais il est aussi un poète lyrique qui chante l’Amour dans la tradition médiévale de l’Amour courtois. Il est l’auteur de longs poèmes où il mêle fiction et histoire personnelle comme dans Le Voir Dit (c’est à dire Le livre du Vrai Dit) qui est son œuvre la plus connue. Écrite à un moment où il a largement dépassé la soixantaine, il y évoque son amour pour une toute jeune fille, Péronne d’Armentières, sans que d’ailleurs on puisse faire la part de ce qui est autobiographique et de ce qui est inventé.
Guillaume de Machaut, Le remède de Fortune, manuscrit de la fin du XVIe siècle (Bibliothèque Nationale de France).
Guillaume de Machaut est enfin un musicien très important de la fin du Moyen-Age. Il est le dernier poète à composer lui-même la musique de ses oeuvres, dans la tradition des trouvères. Mais son œuvre la plus célèbre reste la Messe Nostre-Dame, composée vers 1360 et dont le caractère exceptionnel tient à ce qu'il s'agit de la première messe polyphonique écrite par un compositeur unique qui impose sa cohésion à l’ensemble des pièces de l'Ordinaire, à savoir les Kyrie, Gloria, Credo, Sanctus et Agnus Dei.
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