Les sociétés de gymnastique et de tir à la Belle Epoque

 

 

Les sociétés de gymnastique et de tir connaissent un essor sans précédent après la  défaite de 1871 car on prend alors conscience qu’une des causes du désastre militaire se trouve être le manque de préparation physique des soldats et qu’il convient d'y remédier pour préparer la Revanche sur l'Allemagne. 


Sur les 11 sociétés de gymnastique et de tir rémoises 9 sont fondées après 1870 dont plusieurs dotées d’un patronyme à consonance patriotique bien dans le ton de l'époque : La Sentinelle, La Vigilante, La Patrie ou Les Volontaires d’Alsace-Lorraine. Ces sociétés apparaissent aussi dans les Ardennes comme par exemple La Société de gymnastique et d’escrime à Sedan ou L’Espérance à Charleville. Mais on en trouve aussi dans des villes plus petites comme à Fismes dans la Marne.

 

 

Drapeau de la Vigilante (Musée des Beaux-Arts de Reims).

 


Le stand de tir de La Fismoise (Archives départementales de la Marne)


Les membres actifs de ces sociétés sont exclusivement des hommes jeunes, ce qui n'est guère étonnant puisqu’il s’agit surtout de les préparer en vue du service militaire. La très grande majorité d’entre eux sont des urbains, issus essentiellement des classes moyennes ou populaires. 

Par contre, ceux qui exercent des fonctions de responsabilité, en particulier les présidents ou les secrétaires, présentent un tout autre profil. Nettement plus âgés, ce sont généralement des notables locaux qui ne pratiquent pas d'activités sportives mais qui sont là à cause de leur notoriété. De fait, il existe un intérêt réciproque entre les sociétaires actifs et ces notables. Les premiers y gagnent financièrement car les dirigeants versent des cotisations plus élevées que les simples membres, voire subventionnent la société à laquelle ils appartiennent, et les seconds en tirent considération et prestige. Les politiques sont, en outre, très sensibles au fait que les sociétaires sont des électeurs ou de futurs électeurs. Ainsi, Charles Arnould, maire de Reims de 1900 à 1904, est-il membre d’honneur de la société de gymnastique La Rémoise dont le vice-président n'est autre que Jonathan Holden, l'un des plus importants industriels du textile rémois. Il faut dire qu’aux yeux de la bourgeoisie dirigeante ces sociétés de gymnastique et de tir, outre leur aspect patriotique, ont aussi l’avantage de fournir aux jeunes gens des catégories populaires une occupation saine qui les détourne du cabaret et leur inculque une certaine discipline.

Ces sociétés de gymnastique et de tir possèdent une réelle visibilité dans la société de l'époque. La plupart possèdent un siège qui abrite leurs activités. Elles peuvent aussi bénéficier d’équipements dédiés comme à Sedan où La Société de gymnastique et d’escrime utilise le gymnase de la rue de Thionville. 

 

 Le siège de L'Espérance à Charleville, avenue Pasteur (Archives municipales des Ardennes).


Lors des cérémonies officielles ces sociétés défilent en tenue, avec bien souvent leur fanfare. C'est le cas par exemple à Reims lors de la visite du Président de la République Félix Faure en 1896 ou encore lors de celle de Raymond Poincaré en 1913.


Cela dit, les sociétés de gymnastique ne sont pas neutres par rapport au contexte politique de l'époque. Dans un premier temps la IIIe République naissante les utilise largement pour diffuser les idées républicaines dans la jeunesse. Quand, en 1873, est créée l'Union des Sociétés de gymnastique de France, l'USGF, ses dirigeants sont la plupart des républicains bon teint. Par la suite, lorsque s'exacerbe le conflit entre la République et l’Eglise catholique, cette dernière crée ses propres sociétés de gymnastique, en lien avec les patronages paroissiaux. En 1903 naît la Fédération gymnique et sportive des patronages de France, la FGSPF, à laquelle se rattache par exemple La Jeanne d'Arc de Charleville.

 

 Exercices effectués le 8 août 1908 par  La Société de Gymnastique et de Musique du Patronage de Charleville (Archives départementales des Ardennes).

 

Au total les sociétés de gymnastique et de tir ont joué un rôle très important entre la défaite de 1871 et le déclenchement de la Première Guerre mondiale, notamment en renforçant largement le patriotisme ambiant.