La pittoresque figure d'Achille Laviarde, deuxième roi d'Auricanie et de Patagonie.

 




Achille 1er, roi d'Auricanie et de Patagonie, portant les ordres et décorations qu'il a lui-même créés (coll.part).

 

Achille Laviarde naît à Reims en 1841 dans une famille qui bénéficie d'une petite aisance. Son père est un fabricant de tissus et sa mère gère les lavoirs de Fléchambault, en bordure de la Vesle près du quartier Saint-Remi Le jeune Achille effectue ses études secondaires au Lycée impérial de Reims à la fin desquelles il est prévu qu'il fasse carrière dans les affaires. Mais le jeune homme possède une personnalité fantasque, voire extravagante. Il manifeste des ambitions politiques mais largement à contre-temps puisqu’il se découvre bonapartiste à un moment où le Second Empire s’écroule ! Après la mort de son père dont  l'héritage lui permet de vivre sans travailler, il passe une grande partie de son temps à Paris à faire la fête. C’est d’ailleurs dans la capitale qu’il rencontre un personnage assez extraordinaire qui se dit roi de Patagonie, cette région située à l’extrême sud du Chili. Ce "roi" est Antoine de Tounens, un avoué de Périgueux. Passionné de récits de voyages il a caressé le rêve de faire de la Patagonie, peuplée par les Mapuches (ou Araucans) qui acceptent mal la domination chilienne, un état indépendant dont il serait le souverain. En 1858 il tente de réaliser ce rêve en se rendant en Patagonie. Ayant réussi à rallier les tribus indiennes à sa cause, il se proclame roi d'Araucanie et de Patagonie en 1860 sous le nom d’Orélie 1er

 

 Orélie 1er entouré d'Indiens Mapuches  (coll.part).


Mais le gouvernement chilien fait arrêter Antoine de Tounens et le contraint à se rembarquer pour la France. Cependant, Orélie 1er prétend toujours à son royaume mort-né et à sa mort, en 1878, c’est Achille Laviarde qui lui succède sous le nom d’Achille 1er. Sur cet « héritage » le doute subsiste : Achille Laviarde, qui n’a aucun lien de parenté avec Antoine de Tounens, prétend avoir bénéficié d'un testament de ce dernier mais il n’en publiera le texte que 10 ans plus tard, en 1888. Certains avancent qu'il a peut-être été son secrétaire. La seule certitude c’est que les deux personnages se sont rencontrés et ont sympathisé à Paris.

Ce titre de monarque, même d’opérette, comble Achille Leviarde même s'il ne mettra jamais le pied en Patagonie. Il entretient une cour autour de lui et distribue une décoration de sa création dont le ruban, où le rouge domine largement, présente de loin une ressemblance avec la Légion d’Honneur. Dans ses belles années ce pittoresque souverain vit essentiellement à Paris. Il habite un appartement qui est situé, cela ne s’invente pas, place du Trône (actuelle place de la Nation) et il fréquente les cabarets parisiens, en particulier le célèbre Chat noir. Distribuant à tour de bras les postes de ministres ou d'ambassadeurs de son pseudo-état, il connaît même une petite célébrité. 

 

Au "Chat noir", dessin de Pierre Vidal, 1893 (coll.part).
 

Pourtant, Achille Laviarde demeure toujours attaché à Reims et au quartier Saint-Remi dont il assume la présidence de la fanfare "L'Union", née en 1868 et devenue en 1881 l'Harmonie du 3e canton. En outre, quand sa fortune diminue, il se replie dans sa ville  où il habite son "château des grenouilles vertes". 

 


C'est en 1867 qu'Achille Laviarde achète une propriété en bordure de la Vesle et appelée "Château des grenouilles vertes". Elle est toute proche des lavoirs de Fléchambault. A l'époque de la photo elle est devenue propriété de l'horticulteur Barbaras qui lui a donnée le nom de "Chalet des rosiers". En 2001 les bâtiments ont été rasés pour laisser place à un jardin municipal (coll.part).

 

Désormais Achille Laviarde fréquente surtout les cafés du quartier Saint-Remi, comme le Petit Sapeur rue des Créneaux ou le Vieux Sergent, rue Fléchambault. C’est pourtant à Paris que meurt en 1902 ce roi de fantaisie. Enterré d’abord à Reims il est réinhumé en 1976 en Dordogne, à côté de son prédécesseur Orélie 1er.