Accéder au contenu principal

L’École municipale gratuite de mathématiques et de dessin de Reims




Dans la seconde moitié du XVIIIe siècle Reims possède un établissement d’éducation original, l’École municipale gratuite de mathématiques et de dessin. Cette école est ouverte en novembre 1748 à l’initiative du lieutenant des habitants, Louis-Jean Levesque de Pouilly, qui désire favoriser le développement économique de la ville. Installée au premier étage de l’Hôtel de Ville, sa gratuité a pu être assurée grâce à une souscription publique et à une " taxe prélevée sur les boues, les déchets et autres ferrailles". 

 


L'Hôtel de Ville de Reims, gravure de Moreau (Musées de Reims).


Il s'agit d'une école qui s’inscrit largement dans l’esprit des Lumières et qui se démarque des deux collèges rémois de l’époque, celui des Bons-Enfants et celui des Jésuites. Alors que ces établissements reposent sur les Humanités classiques et le latin, l’école municipale dispense, elle, un enseignement plus moderne et plus scientifique. Ses professeurs de mathématiques successifs bénéficient tous d’une réelle réputation. Le premier est le rémois André Féry, un prêtre appartenant à l'ordre des minimes, qui a réalisé la machine élévatrice alimentant en eau les 17 fontaines publiques de la ville. Le deuxième est Louis Nicollic, un mathématicien et astronome assez connu. Le troisième,  labbé Henri Jurain, est un mathématicien qui est aussi correspondant de l’Académie des Sciences. Le quatrième enfin, est l’Ardennais Nicolas Lallemant qui enseignera 32 ans à l’école municipale de R Cet enseignement est fait moins de mathématiques pures que de mathématiques appliquées, « utiles aux manufactures de ce pays et relatives à l’architecture, charpenterie, menuiserie, serrurerie ».

 

 
Né à Renwez dans les Ardennes en 1739, Nicolas Lallemant est successivement professeur à l’École municipale de Reims, à l’École centrale de Châlons-sur-Marne, au lycée de Bruxelles, au lycée de Reims puis de nouveau à celui de Bruxelles. Parallèlement, il siège au jury d'admission de l’École Polytechnique. Il est membre de l'Institut de France de 1796 à 1816 et de l'Académie des Sciences de 1816 à 1821. Il décède à Paris en 1829.


Les études durent trois ans : la première année les élèves étudient l’arithmétique et l’algèbre élémentaires, la géométrie élémentaire et la trigonométrie; la deuxième année, l’algèbre et la géométrie supérieures; la troisième année, le calcul différentiel et intégral, la mécanique et l’hydrodynamique. L’école fonctionne tous les après-midi de la semaine, à l’exception du jeudi. Les effectifs oscillent chaque années entre 25 et 30 élèves, âgés de 14 à 21 ans. A la sortie, les meilleurs tentent le concours d'entrée de grandes écoles comme celle du Génie de Mézières ou celle des Ponts-et-Chaussées. Les autres trouvent à s’employer dans des fonctions techniques en tant qu’architectes, arpenteurs ou dessinateurs.  

 

Une École de dessin, dont les effectifs atteignent à peine une vingtaine d’élèves, est associée à l'École de mathématiques. Elle a d'abord comme professeur Antoine Ferrand de Monthelon à qui succède Jean-François Clermont. Elle aussi possède une finalité pratique, en particulier au bénéfice de l’industrie textile rémoise, puisqu’elle apprend « à dessiner fleurs, fruits, arbres, plantes, feuillages qui augmentent la beauté des étoffes sans rien ôter à leur solidité ». 

 


 
Ce tableau attribué à Antoine Ferrand de Monthelon (1686-1752) est un portrait de son père, le peintre Jacques-Philippe Ferrand. C’est ce dernier qui a acheté les remarquables œuvres de Lucas Cranach figurant dans le legs de 3 000 dessins et tableaux fait par son fils Antoine à la ville de Reims et qui formera en 1794  le fonds de départ du Musée des Beaux-Arts (Musées de Reims).

 


Tableau de Jean-François Clermont (1717-1807), La Sainte Famille (Musées de Reims).

 

Au début de la Révolution, l’École municipale de mathématiques et de dessin se maintient quelque temps tout en étant transférée à l’ancien couvent des Augustins, devenu Maison d’Éducation nationale. C’est finalement la création d’une École centrale à Châlons-sur-Marne qui entraîne en 1796 sa fin. Nicolas Lallemant y étant nommé quitte Reims et Jean-François Clermont, âgé et devenu malvoyant, demande, lui, sa mise à la retraite.



Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

Adolphe Clément-Bayard et la Macérienne de Mézières

Adolphe Clément et son fils Albert dans les Ardennes en 1904, photographie de l'agence Rol (BNF-Gallica). Adolphe Clément naît en septembre 1855 à Pierrefonds dans l’Oise. Son père est un modeste épicier. Le jeune Adolphe se forme par ses propres moyens à la serrurerie et à la mécanique en effectuant son tour de France. Il se passionne pour la bicyclette qui est une invention récente et participe aux premières courses cyclistes. Mais il entend créer sa propre entreprise et ouvre, en 1878, un atelier de fabrication de cycles à Paris sous la marque "Le Clément". Très vite le modeste atelier prospère et en 1886 Adolphe Clément est le plus important constructeur de cycles français.      Publicité pour les cycles Clément (BNF-Gallica).   Un tournant se produit en 1890 quand il acquiert la licence du pneu Dunlop. En devenant le représentant exclusif en France de l'entreprise, il réussit un coup de maître qui lui rapporte une fortune. Toujours prompt à ré...

De la place de de la Couture à la place d’Erlon

  La première mention de la Couture figure dans une charte de 1183 de l’archevêque Guillaume aux Blanches Mains. Celui-ci, désireux de développer sa ville, décide de lotir des terrains qui portent des cultures maraîchères (d'où le nom de couture, c'est à dire culture en ancien français) au sud de la cathédrale. Il accorde nombre de facilités à ceux qui voudraient  s'y installer et, rapidement, tout un monde de charpentiers, de charrons et de tonneliers vient y habiter. Un nouveau quartier se développe qui se dote de son église, l’église Saint Jacques. Au centre de ce quartier est édifiée une vaste place conçue pour les foires. Elle est suffisamment large pour pouvoir abriter des étaux pour les commerçants et les habitants reçoivent le droit de construire devant leur maison des loges, c'est à dire des portions de galeries s’ouvrant largement sur le dehors. L'archevêque y transfère la foire de Pâques qui se tenait jusque-là dans un champ, à la périphé...

La contrebande dans les Ardennes sous l’Ancien Régime.

    Cette contrebande concerne essentiellement le tabac et le sel, deux produits dont l’État royal possède le monopole de la vente et sur lesquels il lève une taxe. Celle-ci n’est d'ailleurs pas perçue par une administration au sens moderne du terme mais par ce que l’on appelle la Ferme Générale qui est une association de financiers privés qui ont acheté au roi le droit de prélever la taxe en lui assurant une certaine somme prévue à l'avance et en gardant le reste pour eux. Les taxés paient donc non seulement ce qui est reversé au roi mais aussi ce que la Ferme juge bon de recevoir comme profit personnel. Dans ces conditions on comprend que la tentation est grande d’y échapper, ce qui alimente une importante contrebande.   En ce qui concerne le tabac, les contrebandiers ardennais s’approvisionnent à l’étranger, en particulier dans le pays de Liège, mais aussi dans le Hainaut français qui bénéficie d’une taxe sur le tabac moins élevée. Le trafic semble considé...

Le département des Ardennes au début du XIXe siècle

    Le département des Ardennes naît, comme les autres départements français, par décision de la Constituante le 26 février 1790. D’une superficie d’un peu plus de 5 000 km² il ne présente pas vraiment d’unité géographique : le sud, avec Rethel et Vouziers, appartient à la Champagne. Le nord regroupe la vallée de la Meuse et le début du massif ancien de l’Ardenne. A l’est, avec le vaste plateau forestier de l’Argonne on approche de la Lorraine. A l’ouest, ce sont les confins de la Thiérache, verte et herbagère. Il n’existe pas non plus de véritable unité historique : la région a longtemps été partagée entre l'influence française et l'influence espagnole, la première l’emportant définitivement à partir du règne de Louis XIV. Le département réunit des territoires appartenant pour l’essentiel à l’ancienne province de Champagne mais aussi au gouvernement de Lorraine pour la région de Carignan et à l’ancien évêché de Liège pour Philippeville et Bouillon, ces...

1er septembre 1870, le désastre de Sedan

  A la f in du mois d'août 1870, la guerre que la France a imprudemment engagée en juillet contre l’alliance formée entre la Prusse et les états de l’Allemagne du Sud est en train de tourner à la catastrophe pour des troupes françaises courageuses mais mal équipées et commandées par des chefs médiocres. Les Allemands sont parvenus à couper l’armée française en deux. Une partie, commandée par le maréchal Bazaine, s’est enfermée dans Metz, tandis que l’autre, commandée par le maréchal de Mac-Mahon et l’empereur Napoléon III, qui a échoué à traverser la Meuse est arrivée aux alentours de Sedan.   Carte d’état-major indiquant en bleu la disposition des troupes allemandes et en rouge celle des troupes françaises (Archives départementales des Ardennes). Durant toute la matinée du 1er septembre 1870, l’artillerie allemande forte d’environ cinq cents canons et  qui, depuis plusieurs jours, est installée sur les hauteurs autour de Sedan bombarde les trou...

Le cardinal de Lorraine

Portrait du cardinal Charles de Lorraine attribué au Greco, vers 1572 (Musée de Zurich).   Charles de Lorraine naît le 17 février 1525. Il est le deuxième fils de Claude de Lorraine, premier duc de Guise. Son frère François, en tant qu’aîné, est destiné à la carrière des armes et lui à celles des hautes fonctions ecclésiastiques. C’est la coutume à l’époque dans les grandes familles princières, que l’impétrant ait la vocation ou pas. En 1535, Charles entre au collège de Navarre à Paris où il se révèle un élève brillant. En 1538 son oncle Jean de Lorraine, titulaire d’une douzaine d’évêchés, abandonne celui de Reims au profit de son neveu qui a 13 ans. Cela nous choque aujourd’hui mais le processus est courant à l’époque. Les sièges épiscopaux importants, sources d’énormes revenus, sont souvent cumulés par des proches du roi et servent à récompenser des services politiques ou diplomatiques. Dans ce cas, on touche les revenus du diocèse tout en n’...

Baudouin II roi de Jérusalem

                En 1118 Baudouin, seigneur de Bourcq près de Vouziers, et fils du comte de Rethel Hugues 1er, devient roi de Jérusalem sous le nom de Baudouin II. L’arrivée de Baudouin de Bourcq en Palestine est liée à la première croisade, lancée en 1096 par le pape Urbain II, un Champenois d’origine qui a fait ses études à l’école épiscopale de Reims, alors une des meilleures de la chrétienté. Cette croisade présente un double visage, la croisade populaire, prêchée et dirigée par Pierre l’Ermite, et la croisade des chevaliers commandée par Godefroy de Bouillon, un seigneur originaire des actuelles Ardennes belges. Godefroy de Bouillon se fait accompagner par nombre de ses vassaux, notamment son frère, Baudouin de Boulogne, et son cousin, Baudouin de Bourcq. D’autres chevaliers ardennais sont aussi de l’expédition comme Roger de Chateau-Porcien ou Robert de Senuc. Si la croisade populaire est exterminée par les musulmans dès son arri...

1523 : création du bailliage de Reims

      La rue de la prison du Bailliage, située tout près de l'Hôtel de Ville, rappelle encore aujourd'hui l'ancien bailliage de Reims.   Un bailliage est une circonscription administrative née au XIIIe siècle avec à sa tête un bailli qui représente le pouvoir royal. Au départ, le bailli possède des pouvoirs très étendus, à la fois militaires, fiscaux et judiciaires mais, progressivement, il ne va conserver que son rôle de représentant de la justice royale.  Le bailli juge à la fois au criminel et au civil. Il est aussi juge d’appel, c’est à dire qu’il a le droit de réviser les sentences déjà prononcées. Il a aussi la main sur toutes les affaires où l'intérêt du roi est en question. Mais son pouvoir judiciaire connaît tout de même des limites car il doit tenir compte de la présence des nombreuses justices seigneuriales qu’il doit théoriquement respecter. Ainsi, à Reims, l’autorité, ce que l’on appelle à l’époque le droit de ban, appartient à des seign...

La forêt ardennaise d'autrefois

  Le département des Ardennes, surtout dans sa partie nord, est depuis toujours largement forestier. Cette forêt ardennaise est historiquement une forêt de feuillus composée de chênes, de hêtres et de bouleaux, les résineux n’étant massivement introduits qu’au XXe siècle. La forêt n’est jamais bien loin du village ardennais et constitue pour le paysan le complément nécessaire de son champ. Il y puise d’abord le bois dont il a besoin. Le chêne est réservé aux charpentes des maisons mais aussi à la fabrication de meubles. Le hêtre, lui, est largement utilisé pour fabriquer les outils agricoles ou les charrettes. Pour le bois de chauffage le droit d’affouage permet aux villageois de prélever du bois blanc ou du taillis, dans les forêts communales. Quant à ceux qui sont officiellement reconnus comme indigents, il sont autorisés à ramasser les bois morts.  Les forêts sont aussi ouvertes au bétail des paysans qui y mènent leurs porcs à la glandée. Le droit de vaine pâture offre la ...

1683, (Saint) Jean-Baptiste de La Salle fonde l'Institut des frères des Ecoles chrétiennes

      gravure représentant Jean-Baptiste de La Salle (Bibliothèque Carnegie). Jean-Baptiste de La Salle naît à Reims le 30 avril 1651 dans l’hôtel particulier que sa famille possède, rue de l’Arbalète. La famille de La Salle appartient à l’élite rémoise puisque le père, Louis de La Salle, est conseiller du roi au présidial de Reims.      Le bâtiment, construit au milieu du XVIe siècle, est acquis par la famille de La Salle en 1609. La maison reste dans la famille jusqu’à la fin du siècle puis passe entre les mains de différents propriétaires. Fortement endommagée lors de la première guerre mondiale, la maison de biscuits Fossier, qui y est installée, la fait classer par les Monuments historiques et reconstruire à l’identique. Les frères des Écoles chrétiennes la rachètent en 1957, y font quelques aménagements (dont une chapelle) et installent une communauté ainsi qu’un petit musée (coll.par...