Avec le général de Gaulle les visites présidentielles changent de nature car il n’entend pas se cantonner, comme il le dit, "à inaugurer les chrysanthèmes". Elles servent à retremper sa légitimité par le contact avec le peuple, seule source du pouvoir en
République. Ce
changement de nature se manifeste de plusieurs manières. Il y a tout
d’abord la systématisation des déplacements présidentiels qui,
en 11 ans de présidence, vont couvrir la totalité du territoire
national. La Champagne-Ardenne est ainsi visitée dans sa totalité
du 22 au 28 avril 1963. C’est le 18e
voyage de de Gaulle depuis 1958. Les déplacements présidentiels
sont ensuite soigneusement préparés. Les préfectures doivent envoyer à
Élysée des dossiers sur les lieux qui seront visités
ainsi que sur les personnalités locales. Avant le voyage, les
parlementaires de la majorité sont approchés pour connaître leurs
principaux souhaits. Ainsi, début 1963, le député gaulliste des
Ardennes Robert Noiret demande une modernisation des voies de
communication routières et fluviales ainsi qu’une meilleure
considération des Ardennais de la part de l’administration
centrale : "ce
dont nous avons besoin, c’est d’arracher de l’esprit des
administrations centrales cette notion périmée d’une région
difficile, au climat rude et dont les bois sont des repaires pour les
bêtes sauvages et dont la population habituée aux difficultés peut
se contenter d’un classement en dernière urgence dans le programme
national d’équipement". Enfin,
le déplacement lui même change. Son rythme devient plus
intense comme on peut en juger par le programme des deux premiers
jours du voyage d’avril 1963 : l’après-midi du lundi 22 avril,
le général de Gaulle arrive par train spécial à Sedan puis
s’arrête à Mézières et à Charleville qui, à ce moment, n’ont
pas encore fusionné. Le mardi matin, il visite la pointe des
Ardennes, s’arrêtant notamment à Rocroi, à Fumay, à Rimogne et
à Givet. Le mardi après-midi il passe dans la Marne, s’arrêtant
à Isles-sur-Suippes, à Reims, à Epernay et à Châlons-sur-Marne.
De plus, le général s’arrête fréquemment, parfois de manière imprévue n’hésitant pas à bousculer le programme officiel. Ainsi, le matin du 23 avril, le général fait arrêter sa voiture à hauteur de la gare de Haybes, car il a aperçu des dizaines de personnes qui attendent son passage. Il descend de son véhicule pour un bain de foule non prévu, ce qui crée d’ailleurs un grand émoi au niveau de ses gardes du corps. Il faut dire que jusque-là, au cours des voyages officiels, le contact du président de la République avec le public était extrêmement codifié. Il y avait bien des spectateurs mais le président se contentait de les saluer à distance. On n’observait jamais de contact direct entre la foule et la personne du chef de l’État lequel ne rencontrait que des officiels ou des représentants des corps constitués. Avec de Gaulle cela change. Le général n’hésite pas à entrer dans la foule, à serrer des mains, à dire quelques mots à ceux qui l’attendent. A Fumay, il fait même la bise à la miss 1963.
Beaucoup de spectateurs vont ainsi garder le souvenir impérissable d’avoir approché le général, de lui avoir parlé ou, encore, de l’avoir touché. De Gaulle est extrêmement attaché à ce contact populaire, et lors de son voyage ardennais, alors qu’on lui rapporte que des journalistes parisiens ont été surpris par la chaleur de la foule ardennaise, pourtant majoritairement de gauche, il répond : "ils sont surpris ? Mais dans quel monde vivent-ils ? ". Pour la petite histoire on prévoit dans le budget une somme pour les pourboires et les cadeaux. Ainsi, les préfets des Ardennes, de la Marne et de l’Aube reçoivent chacun une boîte à cigarettes. Celui de la Haute-Marne semble mieux loti avec une montre-pendule mais il faut dire que son département est celui de Colombey-les-Deux-Eglises.
Après la démission du général de Gaulle en 1969, les voyages présidentiels sont beaucoup plus rares. Ni Georges Pompidou, ni Valéry Giscard d’Estaing, ni Jacques Chirac ne viennent en visite officielle dans les Ardennes. Certes, François Mitterrand vient à Charleville-Mézières en 1991, comme François Hollande en 2017 et Emmanuel Macron en 2018, mais dans un contexte plutôt sombre, les Ardennes symbolisant la France en difficulté, celle de la désindustrialisation, du chômage et de la baisse démographique.
De son côté, Reims ne reçoit aussi que de courtes visites. Jacques Chirac vient en septembre 1999, pour remettre le diplôme de maire honoraire à Jean Falala et quelques années plus tard pour faire une visite privée à ce dernier, alors en fin de vie.
En juillet 2012, François Hollande assiste avec Angela Merkel au 50e anniversaire de la rencontre de Gaulle-Adenauer mais ce déplacement relève d’un autre registre. Deux ans plus tard le même François Hollande assiste à l’arrivée à Reims de la 6e étape du Tour de France et plus près de nous, en avril 2021, Emmanuel Macron vient au CHU.
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