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L’abbaye bénédictine de Mouzon dans les Ardennes

 

 

 

 

   Dessin de Tassin, vers 1638 (Archives départementales des Ardennes)

 Plan de la ville et chasteau de Mouzon, 1631 (Gallica-BNF)

 

La ville de Mouzon, du latin Mosomagus qui signifie "le marché sur la Meuse", remonte à la période gallo-romaine. Elle s’est installée au croisement de la Meuse et de la voie romaine qui va de Reims à Trèves. Au Moyen-Age, elle se trouve sous l’autorité des archevêques de Reims.

Un premier monastère de moniales bénédictines semble avoir été établi à Muizon au VIIe siècle mais il est ravagé au IXe siècle, d’abord par les Normands puis par les Hongrois. Un peu plus tard, Hervé, archevêque de Reims de 900 à 922, installe une communauté de chanoines qui, assez vite, ne respectent plus les règles.

C’est finalement Adalbéron, archevêque de Reims de 969 à 989, qui rétablit à Mouzon une communauté bénédictine, d’hommes cette fois, pour assurer le culte des reliques des deux saints locaux qui y sont conservées, Victor de Mouzon (mort au début du Ve siècle) et Arnoul de Mouzon (VIIe siècle), et qui attirent la foule des pèlerins. A ce moment, Mouzon est en importance la seconde ville du diocèse après Reims.

Adalbéron se préoccupe aussi de fournir à l’abbaye des moyens d’existence et la dote largement en lui attribuant des biens prélevés sur l’église de Reims mais aussi sur ses propres domaines familiaux situés en Lorraine. Par la suite les possessions de l’abbaye vont s’étendre et, si la majorité d’entre elles se situent dans la partie ardennaise du diocèse de Reims, on en trouve aussi autour de Liège ainsi qu'en Lorraine.


Cependant, la vie de l’abbaye ne va pas sans catastrophes. Au début du XIIe siècle, elle est ruinée par la guerre et doit être reconstruite. Un siècle plus tard, en 1212, l’abbaye et une grande partie de la cité de Mouzon sont détruites par un incendie. C’est après cette catastrophe qu’est bâtie l’actuelle église abbatiale. De style gothique, c’est une véritable petite cathédrale.


A partir du XIVe siècle l’abbaye entre dans une longue période de déclin. Elle connaît de grandes difficultés financières, en partie dues au coût de la nouvelle abbatiale, et doit vendre une partie de son patrimoine. De plus elle est ravagée à plusieurs reprises pendant la guerre de 100 ans. Enfin, elle est touchée par la crise générale du monachisme bénédictin qui s’est sclérosé et qui subit la concurrence des ordres mendiants. Au milieu du XVIe siècle l’Abbaye passe sous le régime de la commende, c’est à dire que l’abbé, pas forcément un clerc d’ailleurs, en touche les revenus mais n’y réside pas, laissant la direction à un simple prieur. Un tel système est bien sûr désastreux pour le respect des règles de la vie religieuse.


Il faut attendre le XVIIe siècle pour que s’opère un redressement avec l’arrivée d’une communauté bénédictine rénovée qui relève de la communauté de Saint-Vanne de Verdun. Cette communauté compte environ une quinzaine de moines, chiffre qui reste stable jusqu’à la Révolution qui va entraîner la fin à l’abbaye, les moines se sécularisant Quant aux bâtiments, si l’église abbatiale devient l’église paroissiale de Mouzon, ceux du monastère servent désormais d'hospice pour les malades et les vieillards (un EHPAD aujourd'hui).

 

 


Eglise abbatiale Notre-Dame

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