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Le département des Ardennes au début du XIXe siècle

 

 

Le département des Ardennes naît, comme les autres départements français, par décision de la Constituante le 26 février 1790. D’une superficie d’un peu plus de 5 000 km² il ne présente pas vraiment d’unité géographique : le sud, avec Rethel et Vouziers, appartient à la Champagne. Le nord regroupe la vallée de la Meuse et le début du massif ancien de l’Ardenne. A l’est, avec le vaste plateau forestier de l’Argonne on approche de la Lorraine. A l’ouest, ce sont les confins de la Thiérache, verte et herbagère. Il n’existe pas non plus de véritable unité historique : la région a longtemps été partagée entre l'influence française et l'influence espagnole, la première l’emportant définitivement à partir du règne de Louis XIV. Le département réunit des territoires appartenant pour l’essentiel à l’ancienne province de Champagne mais aussi au gouvernement de Lorraine pour la région de Carignan et à l’ancien évêché de Liège pour Philippeville et Bouillon, ces deux dernières villes étant reperdues en 1815. Sur le plan religieux, le Concordat de 1801 rattache les Ardennes à l’évêché de Metz et cela jusqu’en en 1822 où l'actuel diocèse de Reims est créé qui comprend l’arrondissement de Reims et le département des Ardennes.

 


Le département des Ardennes divisé en cinq arrondissements et 33 cantons, extrait de l'Atlas national de France, 1800 (Gallica-BNF).
 

Au début du XIXe siècle, les Ardennes comptent 250 000 habitants, soit guère moins qu’aujourd’hui (270 000 habitants) mais cela dans une France qui n’avait alors que 29 millions d’habitants contre plus de 67 Millions aujourd’hui. En 1790 la préfecture est attribuée à Mézières bien qu’elle ne soit que la troisième ville du département avec 4 000 habitants, alors que Charleville en compte 8 000 et Sedan 11 000.


Les Ardennes, comme d'ailleurs le reste de la France à cette époque, sont majoritairement rurales. Ce n’est pas une région d’agriculture riche, surtout dans la partie nord. Le département ne produit pas suffisamment de céréales pour sa consommation ce qui fait qu’en temps de crise il peut connaître des émeutes frumentaires, comme le 23 mars 1812 à Charleville où la troupe doit intervenir. En ce qui concerne l’élevage, les moutons prédominent et pour améliorer la race on commence à introduire les moutons mérinos.

Dans les campagnes ardennaises, les loups sont encore très présents. L’hiver ils s’approchent des villages et attaquent les troupeaux, voire les êtres humains comme en 1810 où une fillette est dévorée dans un bois près de Rocroi.

 

Illustration d'un ouvrage composé en 1587 par l'imprimeur troyen Michel Buffet. Bien entendu, le terme "ravissant" n'est pas à prendre dans son sens figuré actuel mais dans son sens premier de "qui enlève" (Gallica-BNF).

 

Cependant, pour l’époque, le département des Ardennes est déjà relativement industrialisé. Le textile se concentre à Rethel et surtout à Sedan qui est un des plus gros centres lainiers français. L’industrie métallurgique caractérise la vallée de la Meuse. Elle s’est développée avec l’eau de la rivière, le bois des forêts et la présence de petits gisements de minerai de fer. A Charleville est installée une des principales manufactures d’armes du pays.

 

 

Fusil modèle 1777 produit à la manufacture d'armes de Charleville. Toutes ses pièces sont standardisées pour pouvoir les changer facilement. Il sera de toutes les guerres de la Révolution et de l'Empire (coll.part).


A ces industries s'ajoutent les ardoisières de Fumay et de Rimogne. Par contre le réseau de transport est nettement insuffisant. Seule la Meuse est navigable et le réseau routier est bien médiocre. 

 



Vue de Mézières à la fin du XVIIIe siècle, dessin de Savart. Sur la Meuse on voit des mignoles ardennaises avec leur avant et leurs arrière surélevés. Il s'agit là de mignoles de rivière qui ont un gréement et une voile (Gallica-BNF)


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