Parmi les entreprises qui assurent au XIXe siècle la prospérité de l’industrie lainière rémoise, l’une d’elles est liée à une famille britannique, les Holden. A son origine se trouve Isaac Holden, un Ecossais qui a mis au point en 1847 une nouvelle machine à peigner la laine et installé une usine à Bradford dans le Yorkshire.
Isaac Holden (coll.part).
Les laines peignées, destinées aux tissus fins, nécessitent plusieurs opérations. Il faut d'abord fractionner la laine brute en fibres pour en faire un ruban qu'il faut ensuite peigner, c'est à dire débarrasser de toute impureté et irrégularité. Longtemps, le peignage à dû être réalisé à la main jusqu'à ce qu'en 1843 le mulhousien Josué Heilmann mette au point la première peigneuse mécanique de type circulaire. La peigneuse Holden est de même type et, bien que plus grosse et plus coûteuse, présente l'avantage d'être plus productive.
En 1849, Isaac Holden ouvre en France une première usine, à Saint-Denis, puis dans les années qui suivent deux autres établissement, l’un à Croix, près de Roubaix, et l’autre à Reims. L’usine de Reims, dite "usine des Anglais", est édifiée entre 1851 et 1853. Elle occupe un vaste espace compris entre le boulevard Saint-Marceaux, la rue Houzeau-Muiron et la rue des Moissons.
Plan de l'usine de Reims, numéro de L'Illustration du 14 février 1863. En fait le plan est antérieur à 1859 puisqu'il mentionne "Manufacture Lister et Holden". Samuel Lister est l'associé d'Isaac Holden jusqu'à ce qu'en 1859 ce dernier rompe avec lui et fonde sa propre société sous la dénomination "Isaac Holden et Fils" comme le montre la gravure ci-après. (Bibliothèque municipale de Reims).
"Vue générale de l'établissement de MM. Isaac Holden et Fils à Reims", Numéro de L'Illustration du 14 février 1863 (Bibliothèque municipale de Reims).
Isaac Holden confie la direction de l'usine de Reims à son neveu Jonathan.
Jonathan Holden (Bibliothèque municipale de Reims).
Ce dernier va agrandir l’usine et en faire la plus importante installation de peignage française. Sa cheminée, avec ses 85 mètres, est la deuxième du pays en hauteur. L'usine Holden fonctionne en continu, du lundi matin au samedi minuit, et emploie 1 300 ouvriers, ce qui en fait le premier employeur de Reims. Si l’essentiel de la main d’œuvre est française, les contremaîtres, les mécaniciens et les directeurs sont, jusque vers 1880, britanniques. Ils vivent à part et ont une institutrice anglaise pour instruire leurs enfants ainsi que leur propre pasteur méthodiste pour célébrer les offices.
Jonathan
Holden mène une politique paternaliste. Certes, les conditions de travail
sont aussi dures qu’ailleurs comme le montre le fait que c’est
chez Holden que démarre la grande grève des ouvriers du textile
rémois en 1880 mais Jonathan Holden ouvre, pour ses employés, une cantine à bon marché
alimentée par une ferme modèle qu’il a créée route de Cernay,
la "Ferme des Anglais". Il aide aussi au démarrage de l’école professionnelle municipale de la rue Libergier en lui donnant des machines. Il fournit
enfin les fonds nécessaires pour construire une bibliothèque
municipale dans le faubourg Cérès. La
bibliothèque Holden est ouverte en 1888 et existe toujours Place Alfred Brouette.
La bibliothèque municipale du Faubourg Cérès à la Belle Époque et aujourd'hui (la documentation de Reims Avant).
La fortune de Jonathan Holden est considérable puisque, à sa mort en 1906, elle se monte à plus de 14 millions de francs-or.
Entre temps, Jonathan Holden a rompu avec son oncle Isaac au terme d’un procès retentissant. Le neveu demandait que la part des bénéfices qu’il touchait, fixée à un cinquième, soit augmentée. L’oncle, lui, accusait Jonathan d’avoir ouvert en cachette, ce qui d’ailleurs était vrai, une usine concurrente à Bradford. La rupture consommée, Jonathan Holden, ouvre en 1880 le peignage dit "des Nouveaux Anglais" situé boulevard Dauphinot.
L'entrée de l'usine des Nouveaux-Anglais (Bibliothèque municipale de Reims).
Il existe donc désormais à Reims deux usines Holden, celle d’Isaac (décédé en 1904) et celle de Jonathan. A la veille de la Première Guerre mondiale, les deux usines continuent à fonctionner mais dans un contexte où la crise du textile rémois s'est déjà installée. L’usine des Anglais ne compte plus que 850 ouvriers, contre 1 300 à son apogée. Quant à celle des Nouveaux Anglais, elle occupe 520 ouvriers. L’usine des Anglais est complètement détruite par les bombardements allemands et n'est pas reconstruite.
Quant à celle des Nouveaux-Anglais, bien que détruite aussi par les obus allemands, elle est reconstruite pour devenir le Peignage de Reims qui fonctionnera, avec de plus en plus de difficultés, jusqu’au milieu des années 1950.
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