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19 mai 1643, la victoire de Rocroi


Quand on évoque Rocroi on pense immédiatement à la célèbre victoire que le jeune duc d’Enghien, futur prince de Condé remporte sur les Espagnols le 19 mai 1643 sur les espagnols. Pourtant, jusqu’au milieu du XVIe siècle, Rocroi n’est qu’un modeste hameau, perdu au milieu des bois. Mais en 1555, sur l'ordre de Henri II, il est décidé d’y édifier une place-forte pour contrer la menace que fait peser la forteresse de Charlemont, près de Givet, alors possession des Habsbourg.  

 


La place-forte de Rocroi présente la forme d’un pentagone irrégulier doté de cinq bastions, de deux portes et d’un fossé. L’intérieur s’organise selon un plan de dix rues partant en rayon à partir d'une place centrale, ceci pour permettre aux soldats de la garnison d'accéder le plus rapidement possible à leurs postes. Rocroi est l'une des premières places fortes à utiliser un dispositif de fortifications « rasant », l'adversaire ne découvrant l'ampleur de la forteresse qu'au moment de l'assaillir (Gallica-BNF).

En mai 1643, Le royaume de France est engagé dans la guerre de Trente ans qui ravage l’Europe. Richelieu est mort depuis quelques mois (4 décembre 1642) et Louis XIII est mourant (il décède le 14 mai 1643, cinq jours avant la bataille de Rocroi). Le jeune Louis XIV n’ayant pas encore cinq ans, la régence a été attribuée à sa mère, Anne d'Autriche. Les Espagnols profitent de la situation pour attaquer la France depuis les Pays-Bas espagnols, l’actuelle Belgique. Le 10 mai 1643 l’armée espagnole met le siège devant Rocroi. Si la ville tombe, la route de Paris est ouverte. Le duc d’Enghien, qui a alors 21 ans et qui commande l’armée de Picardie, décide de secourir la place-forte mais aussi d’affronter les espagnols en bataille rangée bien qu'il soit en infériorité numérique avec ses 23 000 hommes contre 29 000 Espagnols. 

Enghien réussit à traverser la zone boisée qui entoure Rocroi sans être attaqué et le 18 mai, en fin de journée, ses troupes se trouvent face aux Espagnols. La bataille décisive a lieu le lendemain, le 19 mai. Après plusieurs retournements de situation elle tourne à l’avantage des Français. Les Espagnols laissent 8 000 hommes sur le terrain et ont 6 000 prisonniers. Du côté français, les pertes sont de 2 000 hommes. L’offensive espagnole est stoppée et la France sauvée. Sur le plan militaire, l’infanterie espagnole qui depuis un siècle était réputée invincible avec ses tercios, c’est-à-dire ses régiments regroupés trois par trois, est détrônée par une infanterie française plus mobile, avec ses petits groupes de piquiers et de mousquetaires qui s’appuient entre eux. Le 20 mai 1643, le duc d’Enghien fait une entrée triomphale dans Rocroi où il reste deux jours.

 


 Le duc d'Enghien à la bataille de Rocroi, tableau de Sauveur Le Conte (musée du château de Chantilly).

 

Paradoxalement Rocroi aura encore à faire avec le duc d’Enghien, mais cette fois à front retourné. En effet, le vainqueur de Rocroi, devenu prince de Condé à la mort de son père, participe à la Fronde des princes et, par haine de Mazarin, se rallie aux Espagnols contre son propre pays. Ainsi en 1553 va-t-il participer à la prise de Rocroi par les troupes espagnoles. Mais la ville est rendue à la France au traité des Pyrénées en 1659, en même temps que le prince de Condé fait sa soumission à Louis XIV. 

 


 
 
Louis II de Bourbon-Condé (Archives départementales des Ardennes).

 

En 1673, Vauban apporte quelques modifications mineures à la place de Rocroi où un vaste arsenal est bâti en 1692. Des travaux de modernisation ont encore lieu au XVIIIe siècle et dans la première moitié du XIXe siècle. Mais en 1889, devenue obsolète du fait des progrès de l'artillerie, la place-forte est démilitarisée.

 


 Rocroi, cas rarissime en Europe, a gardé intact son aspect radioconcentrique (Office du tourisme de Rocroi).

 


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