Accéder au contenu principal

Une famille de médecins rémois

 

A l'origine de cette famille de médecins on trouve Jean-Baptiste Caqué, né  le 9 octobre 1720 à Machault, dans les Ardennes. Son père, un paysan aisé, entretient de bonnes relations avec les deux "chirurgiens" du bourg, ce qui a sans doute eu une influence sur le jeune garçon. Cela dit, le statut exact de ces "chirurgiens" n'est pas précisé. Depuis le Moyen-Age, tout ce qui concernait l’exercice de la main sur le corps relevait de la chirurgie et était du ressort des barbiers-chirurgiens. Mais, au tournant des XVIIe-XVIIIe siècles, les deux professions commencent à se dissocier entre d'une part les barbiers-perruquiers et d'autre part les maîtres-chirurgiens qui ont suivi une formation.

 


Le chirurgien de campagne, gravure de Thomas Major, réalisée en 1747 d'après le tableau du peintre flamand David Teniers le Jeune (1610-1690). 


Pour revenir à  Jean-Baptiste Caqué, ce dernier acquière d’abord de bonnes connaissances générales auprès du maître d’école et du curé de Machault. Puis, à 19 ans, il est admis comme apprenti chez Toussaint Ponsardin, un maître-chirurgien rémois. Surtout, un peu plus tard, il a la chance de pouvoir aller à Paris pour y suivre les cours de la récente Académie royale de chirurgie. 

 


C'est en 1731 qu'est créée l'Académie royale de Chirurgie. Effet de la vieille lutte d'influence entre chirurgiens au savoir pratique, et médecins au savoir théorique, ces derniers créent, à leur tour,  la Société royale de médecine en 1776. La gravure représente une leçon d'anatomie dans l'amphithéâtre de l'Académie de chirurgie (BNF-Gallica).


 


Instruments de chirurgie, planche de L’Encyclopédie de Diderot et D'Alembert (BNF-Gallica).


Au sortir de l’école Jean-Baptiste Caqué s’engage comme chirurgien militaire et le reste jusqu’en 1748. Revenu en Champagne, il s’installe d'abord à Rilly-la-Montagne puis, très vite, il est nommé chirurgien en chef de l’Hôtel-Dieu de Reims, alors situé à proximité de la cathédrale.


 


 En juin 1827, les malades de l'Hôtel-Dieu sont transférés dans les bâtiments de l'ancienne abbaye de Saint-Remi, confisquée à la Révolution. Ses bâtiments seront détruits pour laisser place à l'actuel Palais de Justice (gravure de Jacques-Joseph Maquart, Bibliothèque Carnegie).

 

Il devient alors un chirurgien réputé pour le succès de ses interventions. Il invente et perfectionne aussi plusieurs instruments de chirurgie. Il décède le 16 septembre 1787.

 


Jean-Baptiste Caqué père, tableau de Jacques Wilbault (Musées de Reims).


Un de ses fils, prénommé comme son père Jean-Baptiste (né en 1751 et mort en 1805), a mené lui aussi une carrière médicale. Il a été professeur à la Faculté de médecine avant la Révolution puis médecin de l’Hôtel-Dieu. Sa renommée est moins grande que celle de son père mais on lui doit la création du cimetière du Nord, destiné à remplacer celui de l’Hôtel-Dieu, foyer de fréquentes épidémies. 

 


Jean-Baptiste Caqué fils, tableau de Louis Alexandre (Musées de Reims).

 

Dans la famille, il faut enfin évoquer le gendre, Nicolas Noël. Né en 1746 d’un père notaire, il fait de solides études et embrasse la carrière de chirurgien. D'abord en apprentissage auprès de Jean-Baptiste Caqué, il poursuit ensuite ses études à Paris. Au moment de la Guerre d’Indépendance américaine, il s’engage dans l’armée de Washington en tant que chirurgien-major. En 1784, il revient à Reims comme chirurgien auprès de Jean-Baptiste Caqué dont il épouse la fille. Au décès de son beau-père, il lui succède comme chirurgien-en-chef de l’Hôtel-Dieu. Sous la Révolution il occupe les fonctions de chirurgien en chef de l’Armée du Nord avant de reprendre ses fonctions civiles à Reims.

 

 
 
La Révolution, puis l'Empire, périodes de guerres quasi continues, ont multiplié les besoins en personnel médical et notamment en chirurgiens. Pourtant, le service de santé demeure l'un des parents pauvres des armées. Certes, ses membres ont des grades (chirurgien en chef d'une armée est l'un des plus élevés) et un uniforme mais il ne s'agit pas de militaires de carrière et ils sont révocables à tout moment. Très peu accèdent aux honneurs, sinon quelques personnalités exceptionnelles comme Philippe-Jean Larrey (représenté sur cette vignette) que Napoléon a fait baron d'Empire.
 


En 1799 Nicolas Noël achète l’ancien cimetière de Saint Pierre-le-Vieil. Il transforme sa chapelle en un cabinet d’anatomie dans lequel il donne des cours de médecine gratuits. Il transforme aussi le cimetière, dont les corps ont été exhumés, en un jardin botanique, qui contient plus de 1600 variétés de plantes, veillées par un jardinier dont il paie le salaire. Ce jardin connaît un grand succès mais après le décès du docteur Noël, en 1832, il est laissé à l’abandon et fermé quelques années plus tard.






Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

Les pèlerinages dans le diocèse de Reims à la fin de l'Ancien régime

    Le diocèse de Reims depuis le 14e siècle, avec les plans de Reims, Rethel, Sedan, Mézières et Charleville au 18e siècle. Tous les établissements religieux existant à la veille de la Révolution sont mentionnés. Carte établie et publiée en 1957 par Lucie Fossier et Odile Grandmottet (numérisée en 2021 par la Bibliothèque historique de la Ville de Paris et visible pour l'agrandir sur Gallica-BNF). Portrait de Charles-Antoine de la Roche-Aymon (1697-1777), école du peintre suédois Alexandre Roslin (Musée de San-Francisco).   En 1774, le cardinal de la Roche-Aymon, archevêque de Reims, envoie à chaque curé de son diocèse un long questionnaire imprimé portant sur la situation de sa paroisse. Cette initiative est d'ailleurs exceptionnelle au XVIIIe siècle puisque, outre Reims, deux diocèses seulement ont fait de même, Rodez en 1771 et Bordeaux en 1772. En outre, c'est l'enquête de Reims qui est la plus détaillée et la plus riche en questions. Or, parm...

La draperie sedanaise

Une activité textile fondée sur la laine cardée existe déjà à Sedan au XVIe siècle mais son importance est bien médiocre. il faut attendre le rattachement de la principauté au royaume de France en 1642 pour que débute véritablement l’industrie textile sedanaise, toujours spécialisée dans la laine cardée. En juin 1646, un arrêt du Conseil d’État accorde à un marchand parisien, Nicolas Cadeau, le privilège de fabriquer " certains draps noirs et de toute autre couleur, façon à la manière de Hollande ". Il s’agit de draps de luxe, en laine fine, très prisés à la cour du roi, dans le clergé et la magistrature, et que la France achetait jusque-là aux Pays-Bas ou en Espagne. Il faut dire qu’à l’époque domine la théorie mercantiliste, dont le plus célèbre représentant en France est le rémois Jean-Baptiste Colbert, qui estime que, la puissance d’un État se mesurant à sa richesse monétaire, il faut éviter le plus possible d’importer des produits étrangers comme l’explique alors ...

Le protestantisme à Reims

  Dans le premier tiers du XVIe siècle le protestantisme semble déjà avoir pénétré à Reims puisque quelques groupes de réformés  parcourent les rues en chantant des psaumes. Mais, dans la ville des sacres où le clergé catholique est très puissant, le nombre de protestants est bien faible, 3 à 400 au grand maximum. En outre, l’arrivée en 1538, comme archevêque, du cardinal de Lorraine (cf. l'article du blog qui lui est consacré) , un des champions de la Contre-Réforme catholique, va réduire à néant le développement du protestantisme à Reims. Les protestants rémois sont chassés, en particulier l'influent Pierre Craon, dit "Nez d'argent" à cause d'une plaque de ce métal qu'il portait suite à un accident.    Voulez vous ouyr chanson La plus belle de France, C'est du nez d'argent Qui est mort sans doutance: A la voyrie fut son corps estendu Or est le nez d'argent pendu. On a veu nez d'argent Avecques ses complices Estans dedans Pa...

Le Vieux Moulin de Charleville

    Le Vieux Moulin de Charleville en 1886 par Albert Capaul (Archives Départementales des Ardennes). En 1606, Charles de Gonzague décide de fonder une cité nouvelle, Charleville, dont, deux ans plus tard, il fait la capitale de sa principauté d’Arches (cf. l’article de mon Blog sur l’histoire de Charleville). La population de la ville s’accroissant, les besoins en farine augmentent. Or il existe seulement trois petits moulins qui appartiennent à des particuliers et dont deux sont situés en dehors de la ville. Aussi, Charles de Gonzague exige-t-il que soit construit un grand moulin banal où tous les habitants de Charleville auront l’obligation de faire moudre leurs grains en payant une redevance au prince. Sa construction commence e n avril 162 6 et il est mis en service dès l'année suivante.     "Charleville, sur le bord de la Meuze dans la principauté souveraine Darches", plan de 1700 (Gallica-BNF).  Le moulin s’intèg...

La contrebande dans les Ardennes sous l’Ancien Régime.

    Cette contrebande concerne essentiellement le tabac et le sel, deux produits dont l’État royal possède le monopole de la vente et sur lesquels il lève une taxe. Celle-ci n’est d'ailleurs pas perçue par une administration au sens moderne du terme mais par ce que l’on appelle la Ferme Générale qui est une association de financiers privés qui ont acheté au roi le droit de prélever la taxe en lui assurant une certaine somme prévue à l'avance et en gardant le reste pour eux. Les taxés paient donc non seulement ce qui est reversé au roi mais aussi ce que la Ferme juge bon de recevoir comme profit personnel. Dans ces conditions on comprend que la tentation est grande d’y échapper, ce qui alimente une importante contrebande.   En ce qui concerne le tabac, les contrebandiers ardennais s’approvisionnent à l’étranger, en particulier dans le pays de Liège, mais aussi dans le Hainaut français qui bénéficie d’une taxe sur le tabac moins élevée. Le trafic semble considé...

Les métamorphoses de la Champagne crayeuse

      La champagne crayeuse (en vert sur la carte) est un vaste plateau peu élevé qui, de Reims à Troyes, forme un arc arc-de-cercle s’étendant sur 175 kilomètres du nord au sud et sur une soixantaine de kilomètres d’ouest en est. A cheval sur les trois départements des Ardennes, de la Marne et de l'Aube, elle se présente comme une plaine largement ondulée et coupée par des vallées, dont l'altitude varie entre 100 et 250 mètres. Comme une grande partie du Bassin Parisien auquel elle appartient elle est constitué de craie mais ici, à la différence de la Brie voisine, elle n’est pas recouverte de loess fertile. En Champagne la craie affleure à la surface avec, au mieux, une épaisseur de terre de 30 à 40 centimètres. Pendant des siècles cette Champagne crayeuse, sans passer pour une région très riche, n’est pas considérée comme un pays misérable. A l’époque gallo-romaine les auteurs latins évoquent les riches moisons de la région des Rèmes et l’abondance de...

Reims gallo-romain

          Les Rèmes s’étant révélés de fidèles alliés, Rome les récompense en dotant Durocotorum du statut privilégié de cité fédérée et en faisant de la ville la capitale de la province romaine de Belgique. Durocortorum connaît son apogée à la fin du IIe siècle après Jésus-Christ.  La ville a une superficie de 5 à 600 ha, ce qui est exceptionnel à l’époque et elle est entourée d’une enceinte de 7 kilomètres de long. Elle se situe au carrefour de deux voies romaines très importantes : l’une, ouest-est, va de Sens à Trèves, l’autre, sud nord, joint Lyon à Boulogne-sur-mer. Dans la ville elle-même, ces deux axes donnent le cardo nord/sud (avenue de Laon/rue du Barbâtre) et le decumanus ouest-est (rue de Vesle/rue Cérès). Durocortorum compte peut-être 20 000 habitants, soit à l'époque presque autant que Lugdunum (Lyon). La ville possède de nombreux monuments : un amphithéâtre, des thermes à l’emplacement de l’actuelle cathédrale, une basilique à...

L'école au Moyen-Age

Des écoles existent déjà dans l’Antiquité mais elles s’effondrent en même temps que l’Empire romain. L’Église  prend alors le relais en demandant aux évêques d’ouvrir dans chaque diocèse une école épiscopale rattachée à la cathédrale. Destinées avant tout à former de futurs clercs ces écoles accordent une grande place à l’enseignement de la religion et donnent  leur enseignement en latin, langue de l’Église. Cela dit, ces écoles conservent tout de même le Trivium et le Quadrivium, hérités de l'Antiquité. Le Trivium regroupant les branches "littéraires", Grammaire, Rhétorique et Dialectique, correspond un peu à notre lycée. Le Quadrivium regroupant les branches "scientifiques", Mathématiques, Arithmétique, Géométrie et Musique, constitue une sorte d’enseignement supérieur.        Le maître d’une école épiscopale faisant la lectio [lecture] sur sa chaire (enluminure du XIVe siècle). Reims possède une école épiscopale qui au début du Moyen-Age est probablement...

Un Conventionnel rémois, Jean-Baptiste Armonville

    Jean-Baptiste Armonville naît à Reims, le 18 novembre 1756, dans une famille pauvre. Son père, après avoir été soldat sous le surnom de Saint-Amour, est devenu ouvrier sergier. Orphelin de mère à quatorze ans, Jean-Baptiste Armonville perd aussi, peu de temps après, son père. Il est alors recueilli par deux oncles et devient cardeur en laines. Malgré la dureté de sa condition il parvient à apprendre à lire et à écrire même si c'est de manière assez limitée. Il a aussi la charge de ses cinq enfants qu’il doit même abandonner provisoirement à l’Hôtel-Dieu de Reims, après le décès de sa femme. En 1789, Jean-Baptiste Armonville adopte immédiatement les idées révolutionnaires et anime les réunions populaires qui ont lieu à l’ancien couvent des Minimes, en plein quartier Saint-Remi qui est celui de l’industrie lainière rémoise. Son influence sur les ouvriers de la laine apparaît en pleine lumière dans l’été 1792 quand la guerre menace la frontière de l’Est. Le 4 juillet 1...

Deux archevêques de Reims aux XVIIe et XVIIIe siècles, Charles-Maurice Le Tellier (1642-1710) et Alexandre-Angélique de Talleyrand-Périgord (1736-1821)

    Charles-Maurice Le Tellier peint par Pierre Mignard, 1691 (Musées de Reims). Charles-Maurice Le Tellier naît en 1642 à Turin, son père, Michel Le Tellier, étant à cette époque intendant des troupes françaises stationnées dans le Piémont italien. Par la suite, Michel Le Tellier sera ministre de la guerre de Louis XIV. De ses deux fils, l’aîné, Louvois, lui succédera au même poste. Le second, Charles-Maurice, est quant à lui destiné à l’Eglise. Ordonné prêtre en 1666, il devient deux ans plus tard coadjuteur de l’archevêque de Reims, l’italien Antonio Barberini qui, résidant à Rome, n’était quasiment jamais venu dans son diocèse. En 1671, à la mort du cardinal Barberini, Le Tellier lui succède officiellement. Fils et frère de ministres, Charles-Maurice Le Tellier vit une partie importante du temps à la cour de Louis XIV dont il a la faveur. L’archevêque est un homme intelligent, habile, mais aussi un mondain, avide de plaisirs et d’honneurs. ...