A cheval sur les départements des Ardennes, de la Marne et de la Meuse, l’Argonne est un petit massif de 300 mètres d'altitude. Elle constitue une région dont l’identité est depuis toujours liée à la forêt et aux activités qui vont avec. Le sol de l’Argonne étant globalement peu favorable aux cultures, la région a été et est encore aujourd’hui le domaine de la forêt. L'Argonne est aussi une unité humaine dont le territoire se trouve bien identifié avec ses nombreux villages dont le nom se termine par "en Argonne".
L'Argonne, faiblement peuplée, a longtemps constitué une zone tampon entre plusieurs entités politiques. Durant le Haut-Moyen-Age, elle est la zone qui sépare la Francie occidentale de la Lotharingie. Aux Temps modernes, elle sépare le royaume de France et la Lorraine et cela jusqu’à l’incorporation de cette dernière à la France en 1766. Malheureusement cette position stratégique lui a valu d’être périodiquement ravagée par les gens de guerre. En effet, si l’Argonne constitue un réel obstacle naturel elle est loin d’être infranchissable avec ses quatre passages : Le Chesne, La Croix-aux-bois et Grandpré dans les Ardennes et Les Islettes dans la Meuse. Ces ravages ont été particulièrement terribles lors de la guerre de Trente Ans, au milieu du XVIIe siècle, puisque l’Argonne a la moitié de ses villages brûlés. Le 20 septembre 1792, elle est aussi le théâtre de la célèbre bataille de Valmy.
La forêt d’Argonne a longtemps été sous-exploitée. Les bois de médiocre qualité étaient utilisés sur place comme combustibles. Ceux de meilleure qualité comme, par exemple, le chêne, qui pouvaient servir à la tonnellerie partaient vers la Champagne voisine. Enfin une partie de ce bois était expédiée à Paris, grosse consommatrice de bois de chauffage mais aussi de bois d’œuvre. Après 1850 l’exode rural et la déprise agricole qui s’ensuit entraîne une importante augmentation des surfaces forestières. Cette forêt devient aussi mieux exploitée. L’expédition du bois est facilitée par la création de voies ferrées secondaires comme celle de Reims à Verdun ou de Rethel à Vouziers.
Tonneliers à Florent en Argonne, près de Sainte Menehould. A la Belle Epoque la tonnellerie est l'activité principale de cette commune d'environ 900 habitants où on compte pas moins de 180 tonneliers (Archives départementales de la Marne).
Mais ces progrès sont ruinés par le premier conflit mondial qui va toucher très durement l'Argonne.
Si l'Argonne ne connaît pas de grandes offensives, du fait de la difficulté à déplacer des troupes en forêt, de très durs combats s'y déroulent. En 1915, l’Argonne constitue la partie orientale des batailles de Champagne. En 1916 les secteurs proches de Verdun sont le lieu de violents affrontements. Surtout, en juillet 1918, elle constitue un des des môles de résistance à la dernière offensive allemande de juillet et, en septembre, c'est à partir de l' Argonne que les forces américaines s'élancent pour participer à la victoire.
Au
sortir du conflit, les destructions apparaissent considérables.
Clermont-en-Argonne (département de la Meuse) en ruines au lendemain de la guerre (BNF-Gallica).
Le village de Cernay en Dormois, dans la Marne, totalement détruit durant le premier conflit mondial, est reconstruit dans les années 1920. Sur cette photographie, prise au tout début de la reconstruction, les habitants vivent encore dans des baraques provisoires (Archives départementales de la Marne).
Carte postale éditée après-guerre intitulée « L’Argonne – Ce qui reste de la forêt » (fonds P.-L. Buzzi).
La forêt est aussi très touchée et les traces des combats peuvent encore se voir aujourd’hui. De nombreux arbres ont été mitraillés et des barbelés, des ferrailles, des obus, explosés ou non, traînent un peu partout. Un long travail de nettoyage, puis de reconstitution, de la forêt est mené entre les deux guerres, favorisant d’ailleurs la plantation de résineux, plus rapides à valoriser. Ce reboisement s’accélère à partir des années 1950 grâce aux aides financières apportées par le Fonds Forestier National.
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