Jean-Baptiste de La Salle naît à Reims le 30 avril 1651 dans l’hôtel particulier que sa famille possède, rue de l’Arbalète. La famille de La Salle appartient à l’élite rémoise puisque le père, Louis de La Salle, est conseiller du roi au présidial de Reims.
Le bâtiment, construit au milieu du XVIe siècle, est acquis par la famille de La Salle en 1609. La maison reste dans la famille jusqu’à la fin du siècle puis passe entre les mains de différents propriétaires. Fortement endommagée lors de la première guerre mondiale, la maison de biscuits Fossier, qui y est installée, la fait classer par les Monuments historiques et reconstruire à l’identique. Les frères des Écoles chrétiennes la rachètent en 1957, y font quelques aménagements (dont une chapelle) et installent une communauté ainsi qu’un petit musée (coll.part).
Aîné de 11 enfants, dont 4 meurent en bas âge, Jean-Baptiste de La Salle fait ses études au Collège des Bons Enfants, puis à l’Université de Reims. De bonne heure il exprime le désir d’entrer dans les ordres, ce qui ne plaît guère à son père, plutôt désireux de le voir lui succéder. A 16 ans, du fait de la position de sa famille, il se voit pourvu d’un canonicat à la cathédrale de Reims, ce qui lui procure d’importants revenus. En 1670, il entre au séminaire parisien de Saint-Sulpice mais, en 1672, il doit revenir à Reims à cause de la mort de ses parents. En tant qu’aîné, il devient alors le tuteur de ses frères et sœurs. Il achève ses études de théologie et prend pour conseiller spirituel le chanoine Nicolas Roland, fondateur de la communauté des Sœurs du Saint Enfant-Jésus, ce qui l’amène à s’intéresser à l’enseignement des enfants pauvres, mais sans encore penser à s'y investir totalement. Jean-Baptiste de La Salle est ordonné prêtre le 9 avril 1678. Quelques jours plus tard, le chanoine Nicolas Roland meurt, après avoir fait de lui son exécuteur testamentaire.
Nicolas Roland, né à Reims en1642, est ordonné prêtre en 1662. En 1670, il fonde avec ses deniers personnels un orphelinat, aidé par deux religieuses. C'est la naissance de l'ordre des Sœurs du Saint Enfant Jésus. En 1675, il obtient l'autorisation d'ouvrir à Reims des écoles primaires pour jeunes filles pauvres.
L'enseignement des enfants pauvres est, à l’époque, totalement négligé par l’État royal. Pour les classes populaires, il existe bien des "petites écoles" et des maîtres d’écriture mais tous deux demandent des frais de scolarité qui, même modestes, ne sont accessibles qu’à une toute petite minorité des classes populaires. Pour l'immense majorité du peuple, qui peut déjà à peine se nourrir, la seule chance que leurs enfants puissent apprendre quelques bases est qu'ils soient admis dans une des rares écoles gratuites, dites écoles de charité car elles sont financées par des personnes riches et pieuses.
En
1679, Jean-Baptiste de la Salle rencontre Adrien Nyel qui vient de
fonder à Reims deux écoles gratuites de garçons, financées par
une riche veuve, Mme de Maillefer. C'est à la suite de cette rencontre que Jean-Baptiste de La Salle décide de se consacrer totalement à l'enseignement des garçons pauvres. En 1681, il héberge dans l’hôtel
particulier familial les maîtres d'école qui font classe dans les deux écoles gratuites de garçons d'Adrien Nyel. L’intention de Jean-Baptiste de la Salle est de former avec ces instituteurs une communauté. Mais son initiative scandalise sa famille qui lui reproche "de se déshonorer et de
la déshonorer elle-aussi en se chargeant de la conduite de sujets de
basse naissance et sans éducation". Il faut dire qu'étant donné l’extrême faiblesse du revenu qu'elle procure, la fonction d'instituteur pour les enfants pauvres est souvent tenue par des personnes qui l'exercent faute de mieux, par exemple d’anciens soldats.
Jean-Baptiste de La Salle à qui, par mesure de rétorsion, la tutelle de ses frères et sœurs a été retirée et confiée à l’un de ses oncles, rompt alors totalement avec son milieu. Il choisit définitivement la pauvreté en renonçant à son canonicat et à tous ses biens. En juin 1682, il s’installe, avec ses maîtres d’école dans une maison de la rue Neuve (actuelle rue Gambetta). Certains instituteurs qui supportent mal les règles de vie voulues par Jean-Baptiste de La Salle quittent la communauté mais ils sont remplacés par de nouveaux maîtres, souvent plus impliqués et plus capables. Il est alors possible d’ouvrir de nouvelles écoles : une, la troisième par conséquent, à Reims, une à Rethel, une à Guise et une à Laon.
En 1683, Jean-Baptiste de La Salle fonde l'Institut des frères des Écoles chrétiennes. Si cet institut propose une forme de vie consacrée à Dieu et à l'enseignement gratuit des garçons pauvres, Jean-Baptiste de La Salle l'a voulu laïc, c'est à dire que les frères sont bien des religieux liés par les vœux de pauvreté, de chasteté et d'obéissance mais ils ne sont pas prêtres. De même, il a voulu que les frères vivent en communauté d'au moins trois personnes, ce qui fait que leur activité ne se déploie que dans les villes. Jean-Baptiste de La Salle ne fait pas classe lui-même car sa formation ne l'a guère préparé à l'enseignement primaire. Il visite les écoles et, surtout, il s' occupe du bon fonctionnement de l'institut.
Jean-Baptiste de La Salle dote les frères d’un habit à mi-chemin de l’habit laïc et de l’habit ecclésiastique : une robe noire à rabat blanc, un manteau à manches flottantes, le tout en tissu plutôt grossier mais solide, un chapeau à larges bords qui rappelle celui des paysans champenois et de gros souliers de campagnards. Cet habit déclenche souvent les moqueries (on les surnomme "les frères quatre-bras") et le fait que Jean-Baptiste de La Salle le revête lui-même fait scandale dans la bourgeoisie rémoise.
L’Institut des frères des Écoles chrétiennes est fondé sur deux grands principes. Le premier est la gratuité. Les écoles des frères sont ouvertes à tous les garçons pauvres sans que les frères puisse exiger des parents la preuve de ce statut. Ce point, central pour Jean-Baptiste de La Salle, lui vaut la farouche opposition des instituteurs des petites écoles et des maîtres-écrivains qui font de l’enseignement leur gagne-pain. Cela se comprend d'ailleurs très bien car les frères risquent de leur enlever la clientèle de ceux qui, parmi les pauvres, peuvent tout de même payer quelques sols par mois. Le second principe est la totale autonomie des frères par rapport au clergé, ce qui n'est pas sans créer de fortes tensions avec les curés de paroisse qui considèrent que les frères devraient relever de leur autorité.
Les écoles gratuites des frères sont d’apparence modeste. Habituellement, les frères vivent dans une maison près de leur lieu de travail. On est très loin des somptueux collèges construits par les jésuites ou les oratoriens pour les enfants des riches. Les classes sont très chargées, parfois 80 ou 100 élèves pour un seul frère. Les élèves apprennent à lire en utilisant le français et non le latin qui est interdit aussi aux frères. Il s’agit de donner un savoir de base utile et pratique, pas de former une élite. Les écoles des frères pratiquent l’enseignement simultané, où les élèves sont regroupés par niveaux.
"Les règles de la bienséance et de la civilité chrétienne" est le livre que Jean-Baptiste de La Salle a le plus travaillé et à qui il réserve une place très importante : "Lorsque les écoliers sauront parfaitement lire, on leur apprendra à écrire, et dès qu’ils commenceront à écrire, on leur enseignera à lire dans le livre de la Civilité. Ce livre contient tous les devoirs, tant envers Dieu qu’envers les parents, et les règles de la bienséance civile et chrétienne" (Archives Lasalliennes).
Jean-Baptiste de La Salle apporte aussi une innovation capitale qui consiste à donner aux frères une formation appropriée .
"La conduite des écoles chrétiennes", dont le premier manuscrit date de 1706 et la première version imprimée de 1720, est un travail collectif réalisé par le fondateur et les frères les plus anciens ou les plus capables. L'ouvrage est un guide concret pour conduire une classe (Archives lasalliennes).
En 1688, Jean-Baptiste de La Salle quitte Reims et s’installe à Paris où il ouvre plusieurs écoles ainsi qu'un noviciat pour la formation des nouveaux frères. En 1705, l’archevêque de Rouen l'ayant fait venir dans sa ville, il ouvre un pensionnat au manoir de Saint-Yon dont il fait en 1714 la Maison-mère des frères des Écoles chrétiennes. C’est à Rouen qu’il meurt en 1719, laissant 23 maisons tenues par 274 frères qui enseignent à environ10 000 élèves. A la veille de la Révolution, les frères des Écoles chrétiennes sont présents dans 116 villes et scolarisent des dizaines de milliers de garçons pauvres. Jean-Baptiste de La Salle est canonisé en 1900.
Statue de Jean-Baptiste de la Salle devant le Lycée Saint Jean-Baptiste de La Salle, rue de Contrai à Reims. Inaugurée le 21 juin 1888, elle est une copie, réalisée à l’échelle ½, de celle installée en 1875
place Saint Clément à Rouen.
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