Accéder au contenu principal

Dimanche 27 février 1594, le sacre d'Henri IV à Chartres.

 





Le sacre du 27 février 1594 se déroule dans un contexte très particulier. La France est, depuis presque quatre décennies, dévastée par les guerres de religion où s’affrontent le parti protestant et le parti catholique. Dans cette affaire où politique et religion se mêlent étroitement, il convient de faire un retour en arrière. En 1574, Henri III est monté sur le trône mais dans cette France déchirée son pouvoir est vacillant. Pour ne rien arranger se pose la question dynastique. Comme Henri III n’a pas d’enfant, en cas de décès le trône doit revenir à son plus proche parent, Henri de Bourbon, roi de Navarre. Or ce dernier est protestant et la majorité catholique du royaume n'admet pas qu'un protestant puisse monter sur le trône. La guerre religieuse se double dès lors d'une guerre civile. Les catholiques intransigeants se regroupent dans la Ligue, dominée par la puissante famille des Guise. Craignant l’ambition démesurée des Guise, en décembre 1588 Henri III fait assassiner au château de Blois, le duc Henri de Guise (le Balafré) et son frère, Louis de Lorraine, alors cardinal-archevêque de Reims. En même temps, il reconnaît Henri de Navarre comme héritier légitime du trône. Tout cela déchaîne contre lui la haine des Ligueurs et son assassinat en 1589 par le moine Jacques Clément.


Henri III mort, Henri de Navarre devient roi de France sous le nom d’ Henri IV. Mais il lui faut encore se faire admettre par les Français catholiques. S’il arrive à rallier à lui une minorité de ces derniers, la majorité lui demeure hostile. C’est ce qui l’amène à abjurer le protestantisme et à se convertir au catholicisme le 25 juillet 1593. 

 


 La cérémonie se déroule à la basilique Saint-Denis car Paris est à ce moment  là tenue par la Ligue. Au premier plan, cavaliers et de piétons se rendent à la cérémonie. Au second plan, à gauche l'abjuration du roi dans le chœur de la basilique et à droite, Henri IV trônant sous un dais. La cérémonie est aussi l'occasion de diverses festivités, notamment une compétition entre cavaliers, tandis que des pièces de monnaie sont lancées dans la foule, ce qui provoque des bagarres, gravure allemande (Gallica-BNF).

 

Mais, l’opposition des extrémistes catholiques ne cessant pas, Henri IV se rend compte qu’il doit aussi se faire sacrer, à l’image des rois qui l’ont précédé. Mais cela ne peut se faire à Reims car la ville est aux mains des Guise et son archevêque, Nicolas de Pellevé, est un ligueur acharné. Le choix d’Henri IV, se porte sur Chartres, une ville qui a un évêque hostile à la Ligue et dont la cathédrale bénéficie d’une image prestigieuse. Pour la cérémonie, il est nécessaire de refaire les Regalia (sceptre, main de justice, éperons) car, conservés à la basilique Saint-Denis, les anciens ont été détruits par les ligueurs quelques années auparavant. Par contre, la Sainte Ampoule étant bloquée à Reims, on fait venir une onction conservée à l’abbaye de Noirmoutier en Vendée. Quant aux pairs ecclésiastiques favorables à la Ligue, on les remplace par des évêques ralliés à Henri IV

 

  Henri IV portant couronne, sceptre et main de justice, est sacré par l'évêque de Chartres, Nicolas de Thou (BNF-Gallica).


Avec le sacre d’Henri IV, les Français commencent à entrevoir avec soulagement la fin des guerres religieuses entre catholiques et protestants. Quelques semaines après le sacre de Chartres, le 22 mars 1594, le roi rentre triomphalement à Paris, que les Ligueurs ont abandonnée. Henri IV témoigne à cette occasion d’un remarquable sens politique en ne se vengeant pas de ceux qui l’ont combattu. Encouragés par cette attitude, ses anciens ennemis vont se rallier rapidement et la Ligue s’effondrer.

En ce qui concerne Reims, la ville se soumet à Henri IV dès juillet 1594. Lors des négociations, les Rémois demandent la permission de démolir le château des archevêques, symbole de la domination de ces derniers sur la ville. Henri IV la leur accorde et la population rémoise va, dans l’enthousiasme et en quelques  jours de juin 1595, abattre l’édifice.

 


 L'ancien Château des Archevêques, lithographie de Jacques-Joseph Maquart, XIXe siècle (Musées de Reims).


 Destruction du Château des Archevêques, tableau de Jacques Lematte (Musées de Reims).

 

En reconnaissance les Rémois donneront à une de leurs rues le nom d'Henri IV. Cela aboutit d’ailleurs au paradoxe que le seul roi de France qui a une rue à Reims n’y a pas été sacré, alors qu’aucun des 33 rois sacrés dans la ville n’a eu un tel honneur. Quant à Henri IV, il est difficile de dire avec certitude s’il en a voulu aux Rémois mais on peut tout de même constater qu’il ne s’est rendu à Reims qu’en mars 1606, soit tout de même douze années après le sacre de Chartres.

Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

1er septembre 1870, le désastre de Sedan

  A la f in du mois d'août 1870, la guerre que la France a imprudemment engagée en juillet contre l’alliance formée entre la Prusse et les états de l’Allemagne du Sud est en train de tourner à la catastrophe pour des troupes françaises courageuses mais mal équipées et commandées par des chefs médiocres. Les Allemands sont parvenus à couper l’armée française en deux. Une partie, commandée par le maréchal Bazaine, s’est enfermée dans Metz, tandis que l’autre, commandée par le maréchal de Mac-Mahon et l’empereur Napoléon III, qui a échoué à traverser la Meuse est arrivée aux alentours de Sedan.   Carte d’état-major indiquant en bleu la disposition des troupes allemandes et en rouge celle des troupes françaises (Archives départementales des Ardennes). Durant toute la matinée du 1er septembre 1870, l’artillerie allemande forte d’environ cinq cents canons et  qui, depuis plusieurs jours, est installée sur les hauteurs autour de Sedan bombarde les trou...

La draperie sedanaise

Une activité textile fondée sur la laine cardée existe déjà à Sedan au XVIe siècle mais son importance est bien médiocre. il faut attendre le rattachement de la principauté au royaume de France en 1642 pour que débute véritablement l’industrie textile sedanaise, toujours spécialisée dans la laine cardée. En juin 1646, un arrêt du Conseil d’État accorde à un marchand parisien, Nicolas Cadeau, le privilège de fabriquer " certains draps noirs et de toute autre couleur, façon à la manière de Hollande ". Il s’agit de draps de luxe, en laine fine, très prisés à la cour du roi, dans le clergé et la magistrature, et que la France achetait jusque-là aux Pays-Bas ou en Espagne. Il faut dire qu’à l’époque domine la théorie mercantiliste, dont le plus célèbre représentant en France est le rémois Jean-Baptiste Colbert, qui estime que, la puissance d’un État se mesurant à sa richesse monétaire, il faut éviter le plus possible d’importer des produits étrangers comme l’explique alors ...

Le Vieux Moulin de Charleville

    Le Vieux Moulin de Charleville en 1886 par Albert Capaul (Archives Départementales des Ardennes). En 1606, Charles de Gonzague décide de fonder une cité nouvelle, Charleville, dont, deux ans plus tard, il fait la capitale de sa principauté d’Arches (cf. l’article de mon Blog sur l’histoire de Charleville). La population de la ville s’accroissant, les besoins en farine augmentent. Or il existe seulement trois petits moulins qui appartiennent à des particuliers et dont deux sont situés en dehors de la ville. Aussi, Charles de Gonzague exige-t-il que soit construit un grand moulin banal où tous les habitants de Charleville auront l’obligation de faire moudre leurs grains en payant une redevance au prince. Sa construction commence e n avril 162 6 et il est mis en service dès l'année suivante.     "Charleville, sur le bord de la Meuze dans la principauté souveraine Darches", plan de 1700 (Gallica-BNF).  Le moulin s’intèg...

Les pèlerinages dans le diocèse de Reims à la fin de l'Ancien régime

    Le diocèse de Reims depuis le 14e siècle, avec les plans de Reims, Rethel, Sedan, Mézières et Charleville au 18e siècle. Tous les établissements religieux existant à la veille de la Révolution sont mentionnés. Carte établie et publiée en 1957 par Lucie Fossier et Odile Grandmottet (numérisée en 2021 par la Bibliothèque historique de la Ville de Paris et visible pour l'agrandir sur Gallica-BNF). Portrait de Charles-Antoine de la Roche-Aymon (1697-1777), école du peintre suédois Alexandre Roslin (Musée de San-Francisco).   En 1774, le cardinal de la Roche-Aymon, archevêque de Reims, envoie à chaque curé de son diocèse un long questionnaire imprimé portant sur la situation de sa paroisse. Cette initiative est d'ailleurs exceptionnelle au XVIIIe siècle puisque, outre Reims, deux diocèses seulement ont fait de même, Rodez en 1771 et Bordeaux en 1772. En outre, c'est l'enquête de Reims qui est la plus détaillée et la plus riche en questions. Or, parm...

Le rémois Pierre Cauchon, le juge de Jeanne d'Arc.

  Moulage du sceau de Pierre Cauchon, évêque de Beauvais (coll.part).   Pierre Cauchon est surtout connu pour avoir mené le procès de Jeanne d’Arc, lequel a abouti à la mort de cette dernière sur le bûcher le 30 mai 1431, place du Vieux marché à Rouen. Cet épisode tragique a définitivement noirci la mémoire de Pierre Cauchon mais il a aussi largement éclipsé l'homme et sa carrière . Pierre Cauchon naît à Reims vers 1371. Il appartient à l’une des plus riches et des plus puissantes familles de la bourgeoisie rémoise. Après avoir commencé ses études à Reims, il les poursuit à l’Université de Paris. Entré dans les ordres, ce jeune homme, intelligent et ambitieux, cherche comme beaucoup d’autres à trouver un puissant protecteur qui lui assure sa carrière. En 1409, il entre au service du duc de Bourgogne Jean sans Peur.    Portrait de Jean sans Peur (Musée du Louvre). Avec la démence du roi de France, Charles VI, qui a débuté en 1392, deux ...

Deux archevêques de Reims aux XVIIe et XVIIIe siècles, Charles-Maurice Le Tellier (1642-1710) et Alexandre-Angélique de Talleyrand-Périgord (1736-1821)

    Charles-Maurice Le Tellier peint par Pierre Mignard, 1691 (Musées de Reims). Charles-Maurice Le Tellier naît en 1642 à Turin, son père, Michel Le Tellier, étant à cette époque intendant des troupes françaises stationnées dans le Piémont italien. Par la suite, Michel Le Tellier sera ministre de la guerre de Louis XIV. De ses deux fils, l’aîné, Louvois, lui succédera au même poste. Le second, Charles-Maurice, est quant à lui destiné à l’Eglise. Ordonné prêtre en 1666, il devient deux ans plus tard coadjuteur de l’archevêque de Reims, l’italien Antonio Barberini qui, résidant à Rome, n’était quasiment jamais venu dans son diocèse. En 1671, à la mort du cardinal Barberini, Le Tellier lui succède officiellement. Fils et frère de ministres, Charles-Maurice Le Tellier vit une partie importante du temps à la cour de Louis XIV dont il a la faveur. L’archevêque est un homme intelligent, habile, mais aussi un mondain, avide de plaisirs et d’honneurs. ...

Les métamorphoses de la Champagne crayeuse

      La champagne crayeuse (en vert sur la carte) est un vaste plateau peu élevé qui, de Reims à Troyes, forme un arc arc-de-cercle s’étendant sur 175 kilomètres du nord au sud et sur une soixantaine de kilomètres d’ouest en est. A cheval sur les trois départements des Ardennes, de la Marne et de l'Aube, elle se présente comme une plaine largement ondulée et coupée par des vallées, dont l'altitude varie entre 100 et 250 mètres. Comme une grande partie du Bassin Parisien auquel elle appartient elle est constitué de craie mais ici, à la différence de la Brie voisine, elle n’est pas recouverte de loess fertile. En Champagne la craie affleure à la surface avec, au mieux, une épaisseur de terre de 30 à 40 centimètres. Pendant des siècles cette Champagne crayeuse, sans passer pour une région très riche, n’est pas considérée comme un pays misérable. A l’époque gallo-romaine les auteurs latins évoquent les riches moisons de la région des Rèmes et l’abondance de...

La métallurgie ardennaise

  Le développement de la métallurgie est lié à la présence, dans le nord des Ardennes, de minerai de fer pour la matière première, de la forêt pour le combustible et de l’eau pour l’énergie. A la fin du XVe siècle d es artisans l iégeois introduisent dans les Ardennes la fabrication de clous forgés à la main. Au début du XIXe siècle, on compte plusieurs milliers d’" ouvriers à faire les clous" qui travaillent dans leur propre atelier appelé «  boutique ».   Un des derniers cloutiers à la main dans la vallée de la Semoy à la Belle Epoque. Dans l'atelier se trouve la forge dont le feu est entretenu par un soufflet mis en mouvement par une roue dans laquelle se meut un chien. Le cloutier façonne les clous au marteau sur une enclume (Archives départementales des Ardennes). Jusque dans les années 1830 , il s’agit d’une proto-industrie qui concerne surtout les villages de la vallée de la Semoy, comme Hautes-Rivière...

La victoire de Rocroi, le 19 mai 1643,

Quand on évoque Rocroi on pense immédiatement à la célèbre victoire que le jeune duc d’Enghien, futur prince de Condé remporte sur les Espagnols le 19 mai 1643 sur les espagnols. Pourtant, jusqu’au milieu du XVIe siècle, Rocroi n’est qu’un modeste hameau, perdu au milieu des bois. Mais en 1555, sur l'ordre de Henri II, il est décidé d’y édifier une place-forte pour contrer la menace que fait peser la forteresse de Charlemont, près de Givet, alors possession des Habsbourg.     La place-forte de Rocroi présente la forme d’un pentagone irrégulier doté de cinq bastions, de deux portes et d’un fossé. L’intérieur s’organise selon un plan de dix rues partant en rayon à partir d'une place centrale, ceci pour permettre aux soldats de la garnison d'accéder le plus rapidement possible à leurs postes. Rocroi est l'une des premières places fortes à utiliser un dispositif de fortifications « rasant », l'adversaire ne découvrant l'ampleur de la forteresse qu'au ...