Le canal des Deux Mers est l'ensemble formé par le canal du Midi, construit entre 1667 et 1681, et le canal latéral à la Garonne, édifié de 1839 à 1856. Il s'agit d'une voie navigable reliant l'Atlantique à la Méditerranée, permettant ainsi d'éviter le contournement de la péninsule ibérique.
Le canal du Midi, entre Toulouse et Sète, constitue une étape-clé dans la réalisation de cette voie navigable. De nombreux projets de canal avaient été élaborés mais tous s'étaient heurtés à l'obstacle de son alimentation en eau. C’est, finalement, Pierre-Paul Riquet qui va résoudre ce problème.
Pierre-Paul Riquer est né le 29 juin 1609 dans une riche famille bourgeoise de Béziers. Lui-même sera fermier des Gabelles du Languedoc, autrement dit celui qui collecte l’impôt sur le sel pour le compte du roi. Il s’agit d’une activité très rémunératrice car une partie des sommes collectées lui revient. Mais le personnage ambitionne aussi de réussir enfin à relier Atlantique et Méditerranée, en construisant un canal qui irait de Toulouse à Sète.
Connaissant bien la région, Pierre-Paul Riquet a l’idée, pour alimenter son futur canal en eau, de capter tous les cours d’eau traversant la Montagne Noire et de les acheminer dans un grand bassin-réservoir qui serait creusé à cet effet. Ensuite, l’eau stockée dans ce réservoir coulerait par une rigole artificielle jusqu’au point de partage des eaux qui se situe à Naurouze, dans le Lauragais, à 189 m d’altitude. Enfin, de là et tout naturellement, elle se déverserait d’une part vers la mer Méditerranée et d’autre part vers Toulouse En novembre 1662 Pierre-Paul Riquet écrit à Jean-Baptiste Colbert, surintendant des finances et des bâtiments du Roi, pour lui présenter son projet de canal. Quatre ans plus tard, en octobre 1666, un décret autorise la construction du canal royal du Languedoc (ancien nom du canal du Midi) et désigne Pierre-Paul Riquet pour en entreprendre la construction.
Bassin-réservoir de Saint-Ferréol
Rigole de la Montagne Noire
Seuil de Naurouze (site internet du canal du Midi).
Pierre-Paul Riquet (à droite) accueillant des envoyés du roi sur le chantier du canal, tableau de Joseph-Noël Sylvestre, 1896 (Musée Fayet, Béziers).
Les travaux démarrent en 1667 par le creusement du bassin-réservoir de Saint Ferréol, puis de la rigole jusqu’à Naurouze, avant de passer au canal lui-même. Pour cela 12000 ouvriers sont mobilisés pendant 14 ans. Afin que les travaux avancent rapidement, Pierre-Paul Riquet met en œuvre des conditions de travail très avantageuses pour l’époque : chômage payé les jours de pluie, indemnisation en cas de maladie, versement de la paie les dimanches et les jours fériés. Les ouvriers, qui viennent principalement de la campagne y trouvent leur compte, même si les accidents sont fréquents puisque tout est réalisé à la main. Les femmes, quant à elles, dégagent les déblais à l’aide de paniers. Malheureusement, Pierre-Paul Riquet n’a pas la chance de voir son canal achevé puisqu’il meurt le 1er octobre 1680, quelques mois avant l’inauguration officielle qui a lieu le 15 mai1681.
Le canal fait 240 kilomètres de long. Sa profondeur est de 1,90 mètre. Quant à sa largeur, elle est de 15 mètres en surface et de 10 mètres au fond. On compte 65 écluses et de nombreux ouvrages d’art. Au total, sa construction a coûté près de 17 millions de livres, financés par le Trésor royal, les Etats du Languedoc et, pour une petite part, par Riquet lui-même. Quelques années après la mise en eau du canal, il est constaté que ce dernier s’ensable et que certains ouvrages se dégradent. Louis XIV demande alors à Vauban, Commissaire général aux fortifications du royaume, d’inspecter l’ouvrage et de mener les travaux d’amélioration qu’il jugera nécessaires.
L’appellation et le statut du canal évoluent au cours du temps. Jusqu’à la Révolution le canal royal du Languedoc est la propriété des descendants de Pierre-Paul Riquet qui le gèrent. Avec la Révolution et l’Empire, le canal change de nom et prend celui de canal du Midi. La famille Riquet n’en est plus propriétaire (remplacée par la Compagnie du canal du Midi dans laquelle la famille Riquet continuera cependant à détenir des parts).
Le canal sert à transporter des marchandises, notamment du blé et du vin. Ici, une sapine, barque spécialisée dans le transport du vin, à l'écluse de Renneville (archives VNF) ...
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aussi
des passagers, du moins jusqu'au milieu du XIXe siècle. Une barque de poste, appelée aussi coche de voyageurs, du canal du Midi au début du XIXe siècle, dessin de François Beaudouin (coll.part).
Toutes ces embarcations utilisent le halage par des chevaux ou des mulets qui, grâce à une longue corde (la maille), tirent le bateau depuis le chemin de halage qui ne se situe que sur l’une des rives du canal (archives VNF).
Dès la construction du canal du Midi, Pierre-Paul Riquet avait envisagé de prolonger son canal au-delà de Toulouse jusqu’à Bordeaux en creusant un canal latéral à la Garonne, car ce fleuve en lui même a un débit capricieux et n'est pas navigable en toute saison. Mais, faute d’argent, le projet est abandonné. Par conséquent, les marchandises doivent, après Toulouse, emprunter la Garonne ce qui impose de les transborder sur des bateaux plus petits pour pouvoir naviguer sur le fleuve. Conditions de navigation aléatoires et transbordement obligatoire augmentent le temps de trajet et occasionnent des frais supplémentaires.
Le canal latéral à la Garonne ne sera finalement creusé qu’entre 1836 et 1856.
Carte du canal latéral à la Garonne, 1850 (Gallica-BNF).
Le canal latéral à la Garonne à Agen (coll.part).
Avec lui, le canal des Deux Mers se trouve totalement réalisé mais cela même au moment où le chemin de fer est à la veille de l’emporter. En effet, en 1852, la Compagnie des chemins de fer du Midi est créée pour construire la liaison Bordeaux-Sète. Inaugurée en 1857, cette liaison ferroviaire concurrence directement le canal. Bien plus, l’année suivante, la Compagnie du canal du Midi donne en fermage, pour 40 ans, l’exploitation du canal à la Compagnie des chemins de fer du Midi. Cette dernière, qui gère déjà le canal latéral à la Garonne, contrôle désormais les deux grandes voies de communication entre l'Atlantique et la Méditerranée et elle met en place une politique tarifaire nettement favorable au rail.
La conséquence en est l’effondrement du trafic fluvial. Le transport des passagers, ne pouvant lutter contre le train, s’arrête définitivement en 1858. Quant à celui des marchandises, il diminue, en quelques décennies des trois-quarts, mettant au chômage de nombreux bateliers.
Par la suite, les canaux du Midi vont bénéficier de quelques programmes de modernisation visant à leur rendre de la compétitivité face au transport ferroviaire. Mais ils sont très insuffisants et irréguliers : débutés à la Belle- Époque, stoppés par la Première Guerre mondiale, partiellement repris dans les années 1930, à nouveau arrêtés par la Seconde Guerre mondiale, relancés au début des années 1960, ils sont définitivement arrêtés au milieu des années 1980 dans un contexte de crise. En outre un autre concurrent, la route, s’est affirmé avec la construction, dans les années 1970, de l’autoroute des Deux Mers. Le dernier bateau de transport de marchandises cesse son activité en 1989.
Aujourd'hui, le canal du Midi est exclusivement réservé au tourisme fluvial. De nombreux bateaux de plaisance y circulent ainsi que quelques péniches de transport de passagers pour des promenades ou encore des bateaux hôtels. Le Canal du Midi a été classé au Patrimoine mondial de l’Humanité de l’UNESCO en 1996.













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